Docteur Andrei RADTCHENKO  - Доктор РАДЧЕНКО АНДРЕЙ АЛЕКСАНДРОВИЧ
DEPRESSION
 
La forme mentale dépend aussi de la flore intestinale

L’intestin et le cerveau communiquent entre eux, non seulement par des connexions neurales directes, des produits métaboliques et des hormones, mais également via une population spécifique de monocytes, des cellules immunitaires. C’est ce qu’a démontré une étude menée par des chercheurs de l’Université de Magdebourg, l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin et les Instituts nationaux de la santé des États-Unis (National Institutes of Health, NIH). Les résultats d’une étude publiée dans la revue « Cell Reports » pourraient avoir des conséquences sur l’utilisation à long terme d’antibiotiques et permettre de soulager les symptômes de maladies mentales. Les chercheurs ont désactivé le microbiome intestinal de souris en ayant recours à une association de puissants antibiotiques. Par rapport à des animaux qui n’avaient pas reçu le traitement, les chercheurs ont observé qu’un nombre significativement moins élevé de nouvelles cellules nerveuses s’étaient formées (neurogenèse) dans la région de l’hippocampe, ce qui a entraîné en retour une détérioration de la mémoire des animaux. Lorsque le microbiome a été désactivé, la neurogenèse s’est affaiblie et le nombre de monocytes Ly6C(hi) dans le cerveau a diminué. La neurogenèse a également décliné lorsque les chercheurs ont supprimé ces cellules des souris. Mais la neurogenèse est repartie à la hausse lorsque les chercheurs ont apporté des monocytes Ly6C(hi) aux souris traitées par antibiotiques. Les chercheurs ont soigné les souris qui avaient été traitées par antibiotiques à l’aide de deux stratégies différentes. Lorsque les souris ont reçu un mélange de différentes souches bactériennes ou ont volontairement entrepris d’utiliser la roue d’exercice, les effets négatifs des antibiotiques se sont inversés. Le nombre de monocytes s’est accru et les performances de la mémoire ainsi que la neurogenèse se sont renforcées. Toutefois, les chercheurs n’ont pas été en mesure de rétablir les fonctions immunitaires et cérébrales à l’aide du microbiote de souris non traitées. L’application des résultats chez l’homme ne démontre pas que l’ensemble des antibiotiques perturbent la fonction cérébrale, car l’association de médicaments utilisée était extrêmement puissante. « Il est cependant possible que des effets similaires puissent découler de traitements impliquant l’utilisation à long terme d’antibiotiques », a affirmé l’auteur principal
2016
Susanne Wolf.  
univadis

Où de mauvaises habitudes alimentaires interviennent dans le lien entre dépression et la maladie coronarienne

La dépression et l'hygiène alimentaire déplorable font le lit des maladies cardiovasculaires, mais les deux facteurs de risque au sens général du terme ne sont pas étrangers l'un à l'autre. En effet, les patients déprimés ont une fâcheuse tendance à faire preuve de laxisme dans leurs choix alimentaires. Le frigidaire vide et la pizza nocturne de secours, le fast-food à portée de l'estomac, les angoisses nocturnes, la recherche de l'apaisement qu'apporte la prise d'aliments sucrés ou gras, le grignotage pulsionnel d'hydrates de carbone sont autant d'habitudes qui, chez certains déprimés (mais pas tous), occupent la scène nutritionnelle. Devant ce tableau, il est tentant d'établir une relation entre les facteurs diététiques et le risque cardiovasculaire chez les déprimés atteints de troubles du comportement alimentaire. Une étude de cohorte multicentrique prospective étatsunienne, en l'occurrence la Women'svIschemia Syndrome Evaluation Study, a inclus 936 femmes entre 1996 et 2000, au moment où elles avaient subi une coronarographie concluante quant à l'existence d'une maladie coronarienne plus ou moins sévère. Ces patientes ont été suivis au long cours (durée médiane, 5,9 années). Les évènements cardiovasculaires majeurs (ECVM) ont été systématiquement pris en compte : décès d'origine cardiaque, insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral. Le bilan basal a inclus les critères suivants : 1) sévérité des lésions coronariennes ; 2) gravité de la dépression : échelle de Beck, prise actuelle ou antérieure d'antidépresseurs ; 3) questionnaire alimentaire du type Food Frequency Questionnaire for Adults, rempli par 201 participantes seulement (âge moyen, 58,5 ± 11,4 ans) : la consommation quotidienne de fibres et le nombre quotidien de portions de fruits ou de légumes ont été estimés en tant qu'indicateurs de l'hygiène alimentaire. Les données ont été traitées au moyen du modèle par régression de Cox avec ajustement en fonction de l'âge, du tabagisme et de la sévérité des lésions coronariennes. Les facteurs suivants ont été associés au délai avant la survenue des ECVM précédemment évoqués : 1) scores obtenus sur l'échelle de risque (hazard ratio, HR = 1,06 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 1,01-1,10) ; 2) traitement antidépresseur en cours : HR = 2,4 ; IC95 : 1,01-5,9) ;
3) antécédent de traitement de la dépression (HR =2,4 ; IC95 : 1,1-5,3). La consommation de fibres et de fruits ou légumes a eu un effet inverse, les HR correspondants étant en effet respectivement de 0,87 (IC95 : 0,78-0,97) et de 0,36 (IC95 : 0,19-0,70). Dans les modèles incluant habitudes alimentaires et dépression, cette association bénéfique a subsisté au point de rester significative, à la différence de l'association avec la dépression qui a perdu sa signification, statistique cela s'entend. En bref, cette étude de cohorte prospective composée d'une population féminine, exposée à l'ischémie myocardique, met en évidence une relation entre dépression, habitudes alimentaires et risque d'ECVM. L'analyse statistique approfondie des données suggère que l'hygiène alimentaire pourrait en grande partie expliquer cette relation. Elle pourrait être un lien décisif entre la dépression et les complications cardiovasculaires majeures auxquelles exposent certains troubles du comportement alimentaire. Il ne s'agit cependant que d'une hypothèse et d'autres études de plus grande envergure, incluant des sujets des deux sexes, sont à l'évidence nécessaires pour conclure. Les limites des questionnaires alimentaires sont bien connues et ce bémol interdit toute conclusion définitive, tout en incitant à poursuivre les recherches.
2015  
Jim

Anti-inflammatoires : un plus contre la dépression ? 

Plusieurs études ont suggéré que les traitements anti-inflammatoires peuvent présenter aussi un certain degré d'efficacité contre la dépression, tandis que des modifications dans les paramètres biologiques de l'inflammation constitueraient éventuellement des bio-marqueurs d'une dépression. Cependant, ces résultats demeurent controversés et des effets indésirables pourraient en outre contrarier cet emploi (a priori peu orthodoxe) des anti-inflammatoires comme médicaments antidépresseurs. Coordonnée par une équipe du Danemark, une méta-analyse explore dans les grandes bases de données la littérature médicale sur ce thème, en retenant 10 essais thérapeutiques évaluant chez 4 258 patients déprimés l'intérêt antidépresseur d'agents inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et 4 essais appréciant chez 2 004 patients celui d'inhibiteurs de cytokines. Les données de cette méta-analyse indiquent (pour la première fois sans ambiguïté apparente) que « le traitement anti-inflammatoire réduit la symptomatologie dépressive, comparativement au placebo. » Le caractère hétérogène des études ne paraît pas lié à des différences éventuelles dans le contexte clinique ou dans le recours à des AINS plutôt qu'à des inhibiteurs de cytokines. Dans les six études rapportant des effets indésirables, il n'a été trouvé, comparativement au placebo, « aucune preuve d'un nombre accru d'événements fâcheux gastro-intestinaux ou cardiovasculaires après six semaines, ni d'infections après douze semaines de traitement anti-inflammatoire. » Pour les auteurs, cette recherche confirme donc l'intérêt antidépresseur de certaines molécules à visée initiale anti-inflammatoire, sans majoration concomitante des effets adverses. Néanmoins, ils précisent que la possibilité d'un « risque élevé de biais et d'une grande hétérogénéité » (de ces études) doivent nuancer ces résultats. Il leur paraîtrait intéressant de parvenir à identifier quels sous-groupes de patients déprimés seraient le plus susceptibles de pouvoir bénéficier de ce type d'approche novatrice, un traitement antidépresseur par le truchement de médicaments anti-inflammatoires.
 2015
Jim

Quand la dépression affecte directement la matière grise

L'étiologie des troubles dépressifs demeure imprécise, mais on estime que des facteurs neurobiologiques sont vraisemblablement impliqués, par le truchement de processus neurotoxiques ou/et de dysfonctionnements neurotrophiques se répercutant notamment sur le volume de la matière grise. L'incidence néfaste de la dépression sur le cerveau fait ainsi l'objet d'une étude portant sur 32 sujets-témoins et 66 patients « avec dépression (majeure) aux différents stades de la maladie » : 22 vus au premier épisode dépressif, 22 lors d'une rechute, et 22 avec une pathologie dépressive au long cours ou résistante aux traitements. Réalisée à Barcelone (Espagne) dans l'intention de déceler des anomalies structurelles du cerveau aux différents stades de la dépression et de déterminer en particulier l'effet des caractéristiques cliniques sur le volume de la matière cérébrale, cette recherche évalue les corrélations éventuelles entre les volumes des structures du cerveau (appréciés par les méthodes d'imagerie morphométrique, voxel-based morphometry) et les données cliniques. Les auteurs remarquent un « effet significatif (p < 0,05) pour le gyrus frontal supérieur, le gyrus frontal médian et le gyrus cingulaire gauche » ; les patients du troisième groupe (dépression chronique résistant au traitement) montrant « les plus faibles volumes dans les zones fronto-temporales. » Par ailleurs, l'ancienneté de la maladie est « corrélée négativement à une diminution du cortex frontal médian droit et de l'insula gauche. » En conclusion, on observe que « les régions fronto-temporo-limbiques sont plus petites chez les patients atteints de dépression sévère » et que cette association entre le contexte dépressif et le volume du cortex cérébral est en relation directe avec la durée de la maladie, mais non avec le protocole médicamenteux proposé. Pour les auteurs, ce constat suggère une incidence négative du trouble dépressif lui-même sur la matière grise
2013
Jim

Evaluation cardiovasculaire pour les antidépresseurs
 
L’utilisation d’antidépresseurs Inhibiteurs Sélectifs de Recapture de la Sérotonine (ISRS) n’augmente pas le risque d’arythmie ou d’AVC/ischémie cérébrale transitoire chez l’adulte de moins de 65 ans. Ils tendraient même à réduire le risque d’infarctus du myocarde. C’est ce que montre une étude parue dans le
BMJ
.
Evaluer l’association entre des traitements antidépresseurs et le risque d’événement cardiovasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire et arythmie), tel était l’objectif d’une équipe britannique avec cette nouvelle étude de cohorte.
Celle-ci a porté sur 238.963 patients âgés de 20 à 64 ans ayant un premier diagnostic de dépression entre 2000 et 2011 dans le cadre d’une consultation de médecine générale. Les auteurs ont répertorié les expositions aux antidépresseurs chez ces patients : type de médicament (classe des tricycliques, ISRS, autres), posologies, durée d’utilisation. Ils ont par ailleurs relevé les cas d’accidents cardiovasculaires qui les intéressaient sur une durée de cinq ans.
Pendant ce suivi, 772 patients ont fait un infarctus du myocarde, 1106 ont eu un AVC ou ischémie cérébrale transitoire et 1452 ont été diagnostiqués pour une arythmie.
Les auteurs n’ont pas retrouvé d’association significative entre la prise d’antidépresseur et le risque d’IDM. Au cours de la première année, les patients traités par ISRS avaient même un risque relatif d’IDM diminué de 42% par rapport à des sujets contrôles sans traitement antidépresseur !
Aucune association n’a par ailleurs été retrouvée avec le risque d’AVC et d’accident ischémique transitoire, ni avec le risque d’arythmie même si ce dernier semble augmenté au cours des 28 premiers jours de traitement avec les classes des tricycliques (RR=1,99).
 Aude Rambaud
Référence :
Carol Coupland et al. Antidepressant use and risk of cardiovascular outcomes in people aged 20 to 64: cohort study using primary care database
BMJ 2016;352:i1350
 
La piste inflammatoire pour expliquer certaines dépressions »
 
Le Figaro fait savoir que «  la mastocytose est caractérisée par l'accumulation de mastocytes, des cellules de l'immunité innée résidant dans les organes, responsables entre autres de l'allergie. Ces cellules s'activent en l'absence d'allergène ou d'agression par un agent étranger et libèrent ainsi spontanément des molécules dont certaines sont médiatrices de l'inflammation ».
« Les résultats obtenus par les Drs Sophie Georgin-Lavialle, spécialiste en médecine interne, et Daniela Moura, spécialiste en psychologie, publiés dans Molecular Psychiatry, montrent que l'activation des mastocytes induit une diminution de la formation de la sérotonine, connue pour être basse en cas de dépression 
 pour beaucoup, tout acte de la vie quotidienne leur demande un effort de concentration très important à tel point que parfois le patient a l'impression que le courant est coupé ».
« De sa volonté de soulager les patients, alliée aux résultats de précédentes études évoquant le lien entre inflammation et dépression, naît l'idée d'explorer la piste inflammatoire et le rôle des mastocytes au niveau cérébral comme origine des troubles psychiques afin de trouver des cibles pour de nouveaux médicaments »
« plus les symptômes dépressifs sont sévères chez les patients, plus les taux sanguins de sérotonine et de son précurseur le tryptophane, acide aminé apporté par l'alimentation, sont bas ».
« Dans le même temps, le taux d'une molécule neurotoxique pouvant être aussi synthétisée à partir du tryptophane est très élevé 
», poursuit le journal. Le Dr Georgin-Lavialle relève que « les molécules médiatrices de l'inflammation détournent la transformation du tryptophane en sérotonine vers celle d'un composé neurotoxique, l'acide quinolénique, ce qui est à l'origine des symptômes neurologiques et dépressifs ».
Le Figaro souligne enfin que « cette découverte ouvre des perspectives pour développer de nouveaux médicaments antidépresseurs qui permettraient de réguler l'activité des mastocytes ou de bloquer l'action de son dérivé neurotoxique, l'acide quinolénique. Ceci chez les patients atteints de mastocytose mais aussi chez des patients sains résistants aux traitements antidépresseurs classique dont les mastocytes pourraient être suractivés même en dehors de toute mastocytose. D'autres molécules de l'inflammation pourraient aussi être la cible de ces futurs médicaments ».
, explique le quotidien.
Le Figaro indique qu’«
 il lance donc […] une étude pour examiner l'influence de la surproduction de molécules messagères de l'inflammation par les mastocytes du cerveau sur la sérotonine, connue pour être basse en cas de dépression. Les chercheurs analysent le sang et les symptômes dépressifs de 54 patients atteints de mastocytose et les comparent à 54 patients sains ».
Le Pr Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie et chef de pôle à l'hôpital Sainte-Anne, observe que
», relève ainsi le journal.
Le Figaro précise que «
 les patients atteints de mastocytose présentent des symptômes physiques comme des «boutons», des troubles osseux, respiratoires, digestifs et hépatiques qui sont calmés par des médicaments régulant l'activité des mastocytes et bloquant les effets des molécules de l'inflammation libérés. En revanche, […] 50% des patients restent très handicapés par des symptômes neuropsychiatriques. Dépression, fatigue, angoisse ou amnésie transitoire résistent aux traitements antidépresseurs classiques 
».
Oliver Hermine, professeur en hématologie à Necker et coordinateur du centre de référence de la mastocytose, remarque ainsi que «
l'étude d'une maladie rare, la mastocytose, révèle qu'un mécanisme inflammatoire peut être à l'origine de certaines dépressions résistantes. Un espoir en matière de nouveaux traitements ».
Le journal indique ainsi qu’«
 une étude, menée au sein des hôpitaux Necker de l'APHP, Sainte-Anne et de l'institut Imagine, chez des patients atteints de mastocytose, une maladie inflammatoire rare, montre qu'un mécanisme au niveau du cerveau peut être à l'origine des symptômes dépressifs et anxieux présents chez 50% d'entre eux 
 Mars 2016
 
 
 
La dépression, facteur de risque ou prodrome de démence ?
 
 
« À ce jour, environ 36 millions de personnes dans le monde vivent avec une démence, et ce nombre va presque doubler dans les 20 prochaines années », cette situation constituant un « grand fardeau pour les patients, leurs familles et toute la société », rappellent les auteurs d'une recherche (conduite au Portugal) sur les liens éventuels entre troubles thymiques (affective disorders) et démence.
Portant sur 51 études, cette méta-analyse confirme que la dépression semble représenter un facteur de risque pour un processus d'involution démentielle, cette augmentation du risque paraissant associée à « une plus grande fréquence et à une plus grande sévérité » des épisodes dépressifs. Il est cependant difficile de trancher : la dépression est-elle un authentique facteur de risque d'une démence, ou plutôt l'un de ses prodromes ? Autrement dit, a-t-elle valeur de cause ou au contraire de conséquence ?
On observe que la dépression « augmente la probabilité de conversion d'une déficience cognitive légère » (mild cognitive impairment) vers une démence. D'autre part, l'association entre antécédents dépressifs et démence ne paraît pas se limiter à la dépression tardive (late-life depression) mais concernerait aussi des dépressions survenant plus tôt dans l'existence (early-life depression). Et une recherche a montré que l'intervalle entre le diagnostic de dépression et l'apparition d'une maladie d'Alzheimer est « corrélé positivement à une augmentation du risque de développer une maladie d'Alzheimer. » On a avancé aussi que la dépression serait liée à un plus grand risque de démence parce que ce trouble de l'humeur représente « une réaction fréquente aux déficits émotionnels associés au déclin cognitif », mais les auteurs estiment que l'amplification du risque de démence par des troubles dépressifs ne semble pas s'expliquer uniquement par cette hypothèse de la « dépression prodrome. » Enfin, d'autres travaux indiquent une altération plus marquée de l'hippocampe en cas de démence associée à des antécédents dépressifs qu'en l'absence de tels antécédents.
 
 Jim
Dr Alain Cohen
 
 
Prise en charge de la dépression résistante au traitement
 
Des preuves solides en faveur de la thérapie comportementale et cognitive
Introduction
Seul un tiers des patients atteints de dépression réagit pleinement aux antidépresseurs, mais peu de données existent sur le meilleur traitement à appliquer ensuite en cas de symptômes résistants au traitement de première intention. L'essai clinique CoBalT visait à examiner l'efficacité de la thérapie comportementale et cognitive (TCC) en tant que traitement d'appoint des soins usuels (dont la pharmacothérapie) chez les patients atteints d'une dépression résistante au traitement en soins primaires par comparaison aux soins usuels seuls.
Méthodes
Cet essai clinique multicentrique randomisé contrôlé mené sur deux groupes parallèles a recruté 469 patients âgés de 18 à 75 ans atteints d'une dépression résistante au traitement (sous antidépresseurs depuis au moins 6 semaines, score de l'inventaire de dépression de Beck [BDI] ≥ 14 et critères de la Classification internationale des maladies [CID]-10 pour la dépression) dans 73 cabinets de médecine générale au Royaume-Uni. Les participants ont été répartis au hasard à l'aide d'un code généré par ordinateur (stratifiés par centre et minimisés en fonction du score BDI initial, de la présence ou non d'un conseiller dans le cabinet de médecine générale, des antécédents de traitement par des antidépresseurs et de la durée de la dépression actuelle) dans deux groupes : soins usuels ou TCC associée aux soins usuels. La durée de suivi était de 12 mois. En raison de la nature de l'intervention, il était impossible de masquer le traitement alloué aux participants, aux médecins généralistes, aux thérapeutes de TCC ou aux chercheurs. Les analyses étaient en intention de traiter. Le critère d'évaluation principal était la réaction au traitement, définie comme une réduction d'au moins 50 % des symptômes de dépression (d'après le score BDI) à 6 mois par rapport à la visite initiale. Cet essai est enregistré sous le numéro ISRCTN38231611.
Résultats
Entre le 4 novembre 2008 et le 30 septembre 2010, nous avons affecté 235 patients aux soins usuels et 234 à la TCC associée aux soins usuels. Un suivi a été effectué à 6 mois pour 422 participants (90 %) et à 12 mois pour 396 participants (84 %) et s'est achevé le 31 octobre 2011. Les critères de réaction à 6 mois ont été remplis par 95 participants (46 %) dans le groupe d'intervention et par 46 participants (22 %) dans le groupe recevant les soins usuels (rapport de cotes 3·26, IC 95 % 2·10—5·06, p < 0·001).
Interprétation
Avant cette étude, il n'existait aucune donnée issue d'essais cliniques randomisés contrôlés de grande ampleur évaluant l'efficacité de l'ajout d'un TCC aux antidépresseurs en deuxième intention chez les patients dont la dépression n'avait pas réagi à la pharmacothérapie. Notre étude démontre clairement que la TCC, en traitement d'appoint des soins usuels incluant des antidépresseurs, est efficace et réduit les symptômes de dépression dans cette population.
Wiles N, Thomas L, Abel A, et al. Cognitive behavioural therapy as an adjunct to pharmacotherapy for primary care based patients with treatment resistant depression: results of the CoBalT randomised controlled trial. The Lancet. 2012;doi:10.1016/S0140-6736(12)61552-9
Univadis
 
 
L’activation comportementale, efficace contre la dépression
Les médicaments antidépresseurs constituent l’approche classique contre la dépression, malgré leurs limitations (effets secondaires, refus de leur prise par certains patients, rechutes après leur arrêt). Les traitements psychologiques pourraient donc offrir une alternative viable, notamment dans les pays non occidentaux où l’utilisation d’antidépresseurs s’avère encore plus fréquente, en raison de la disponibilité limitée des psychothérapies. Cela justifie l’intérêt de traitements psychologiques, simples mais efficaces. Compte tenu de son efficacité et son protocole relativement simple, l’activation comportementale (behavioural activation)  représente une telle piste. Il s’agit d’une thérapie contre la dépression, axée sur la « planification d’activités à encourager » chez les patients (alors qu’ils les évitent) et sur « l’analyse de la fonction des processus cognitifs » (par exemple, la rumination) sous-tendant des processus d’évitement. Comparativement à la thérapie cognitivo-comportementaliste classique, l’intérêt de cette technique contre la dépression consiste dans la plus grande facilité de formation des professionnels devant l’appliquer et dans son utilisation possible en milieu ambulatoire ou hospitalier. L’activation comportementale pourrait donc offrir une alternative valable aux antidépresseurs dans le trouble dépressif majeur. Portant sur 100 patients répartis de façon randomisée à 50 %-50 % entre activation comportementale et traitement antidépresseur habituel, une étude apprécie l’efficacité de l’activation comportementale contre le trouble dépressif majeur, dans la pratique clinique en Iran. Le principal critère d’évaluation est la dépression, estimée avec le Beck Depression Inventory  et l’échelle de dépression de Hamilton[3] aux semaines 0, 4, 13 et 49. La réduction des symptômes se montre plus marquée dans le groupe traité par activation comportementale que dans le groupe sous antidépresseurs. Cette technique est donc efficace contre le trouble dépressif majeur, en particulier pour les sujets les plus sévèrement déprimés, et les auteurs proposent d’en recommander l’usage, en particulier dans les pays non occidentaux comme l’Iran.
Jim
Dr Alain Cohen 
Moradveisi L et coll.: Behavioural activation v. antidepressant medication for treating depression in Iran: randomised trial. Br J Psychiatry 2013; 202:204–211.

Des liens complexes entre dépression et démence


On ignore dans quelle mesure la dépression constitue un facteur de risque en matière de démence, mais ces deux pathologies -fréquentes au cours du vieillissement- se trouvent souvent associées. Réalisée en Californie sur une cohorte de plus de 13 000 sujets suivis pour une dépression du « milieu de la vie » (entre 40 et 55 ans) ou plus tardive (late-life depression, survenant une trentaine d'années plus tard), une étude rétrospective a évalué l'incidence éventuelle des antécédents dépressifs sur l'apparition d'une maladie d'Alzheimer ou d'une démence vasculaire.D'un âge moyen de 81 ans, cette cohorte comporte environ 58 % de femmes et -précision interdite dans les études françaises- 24 % des intéressés « n'étaient pas des Blancs. » Environ 14 % des sujets étaient affectés par une dépression du milieu de la vie, 9 % par une dépression à manifestation tardive, et 4 % par ces deux types de troubles successivement.Les auteurs observent une association significative des symptomatologies dépressives avec un risque accru de démence, et cette relation diffère selon l'époque particulière où se manifeste la dépression : débutant plus tôt dans l'existence, et se reproduisant de façon récurrente, un trouble dépressif multiplie le risque de démence vasculaire par 3,5 (Hazard Ratio [HR] = 3,51 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 2,44 à 5,05]), alors qu'une dépression se cantonnant seulement sur le tard est plutôt associée à une maladie d'Alzheimer dont elle double approximativement le risque (HR = 2,06 ; IC95 de 1,67 à 2,55).Une dépression d'installation tardive pourrait donc avoir valeur de « signe prodromique de démence, en particulier de maladie d'Alzheimer. » Mais des recherches ultérieures sont nécessaires pour déterminer si un « traitement efficace de la dépression »(quelles que soient les modalités diachroniques de celle-ci) pourrait « contribuer à maintenir les fonctions cognitives et à retarder l'apparition d'une démence.» Et vu l'incidence accrue (actuelle et prévisible) des pathologies démentielles, « même une petite réduction d'un facteur de risque» reconnu aurait, estiment les auteurs, un « impact remarquable en termes de santé publique.»Barnes DE : Midlife vs late-life depressive symptoms and risk of dementia: differential effects for Alzheimer Disease and Vascular Dementia. Arch Gen Psychiatry 2012 ; 69 (5) : 493-498.
05/07/12
(JIM)
Dr Alain Cohen

De la crise économique à la dépression psychiatrique
06/07/12
(JIM)
Dr Alain Cohen
« Près du quart de la population en âge de travailler était au chômage et n'avait plus d'espoir de trouver de travail. Dans certaines parties du pays, la moitié des gens restaient sans emploi. Les usines tournaient au ralenti, de même que les travaux des champs...» Dans cet article sobrement intitulé Unemployment (chômage), Archives of General Psychiatry rappelle l'acuité de la Grande Dépression des années 1930[1] aux États-Unis et, notamment, ses terribles conséquences psychiatriques : à New York, par exemple, les taux de suicide grimpèrent de 13,7 pour 100 000 habitants en 1926 à 21,3 en 1932 ; et dans l'ensemble des États-Unis, ce taux atteignit 17,4 pour 100 000 habitants.De la dépression économique à la dépression psychiatrique, la voie semble en effet toute tracée, et un artiste peintre et photographe comme Ben Shahn (1898-1969) fut chargé par l'administration (dans le cadre du New Deal[2] de Roosevelt) de transmettre par l'image le portrait d'une Amérique en crise. Mais fidèles à la mouvance artistique du « social realism[3] », Shahn et ses pairs ne cherchèrent pas à dissimuler la souffrance psychique en essayant de masquer les conséquences de la crise sous des travers artificieux, contrairement aux artistes officiels d'autres contrées moins démocratiques (URSS, Chine, Italie fasciste et bien sûr Allemagne nazie) où les travailleurs étaient toujours censés oeuvrer, dans une allégresse communicative, pour la grandeur de leur illustre pays. Au contraire, les images de Shahn témoignent des stigmates de la crise sur les gens du peuple, « s'efforçant de garder leur dignité, malgré la perte de tout espoir» d'un avenir meilleur.Tristesse, mélancolie, angoisse se lisent sur ces visages graves, meurtris par la Grande Dépression. Pourtant, comme ces photographies devaient convaincre les Américains de l'utilité des réformes engagées par Roosevelt, il existe donc un aspect paradoxal à vouloir faire oublier le marasme en le montrant crûment ! On imagine mal des campagnes publicitaires axées ainsi, aujourd'hui, sur le seul accent du réalisme, sans accorder une large part au rêve et à l'optimisme. Mais toute similitude avec l'époque actuelle serait bien sûr déplacée...

Dépression majeure résistante : l'augmentation des doses semble être la meilleure attitude
Dr Dominique-Jean Bouilliez
(13/06/2012)
Faut-il changer de traitement ? Augmenter les doses ? Combiner avec un autre agent antidépresseur ? Ou choisir la stratégie d'augmentation en cas de non-réponse ou de réponse partielle à un traitement antidépresseur bien conduit en cas de dépression sévère ? Apparemment, c'est la stratégie d'augmentation avec du lithium qui semble la plus à même d'apporter réponse selon une analyse de la littérature effectuée par Michael Bauer (Dresde, Allemagne). Mais d'autres candidats se bousculent au portillon : les anticonvulsivants, la triiodothyronine, la lévothyroxine, l'aripiprazole, l'olanzapine, la risperidone et la quetiapine, avec des résultats intéressants.
Bauer M. Augmentation strategies in treatment resistant depression. 20th European Congress of Psychiatry, Prague, 3-6 mars 2012.

Déficit cognitif léger : la dépression comme marqueur du risque de progression de l'atrophie cérébrale

Dr Julie Perrot (10/10/2011)
Selon les résultats d'une étude menée par des équipes californiennes et de la Mayo Clinic(Rochester), l'existence de symptômes dépressifs serait chez les patients atteints de déficit cognitif léger prédictive d'une atrophie cérébrale progressive. L'étude en question a porté sur 245 patients, de 74,9 ± 7 ans d'âge moyen, participant à l'Alzheimer's Disease Neuroimaging Initiative (ADNI), ayant un déficit cognitif léger. Elle a comparé, sur un suivi de 2 années, l'évolution en neuro-imagerie de ces patients selon qu'ils avaient des symptômes dépressifs (n = 47 patients), d'autres symptômes neuropsychiatriques (quels qu'ils soient, hors dépression ; n = 92) ou aucun symptôme neuropsychiatrique (n = 106), en s'appuyant sur le Neuropsychiatric Inventory Questionnaire. L'analyse montre des taux d'atrophie temporale (p = 0,03), pariétale (p = 0,03), et frontale gauche (p = 0,02) accrus dans le groupe de patients ayant des symptômes dépressifs, en comparaison du groupe indemne de tout symptôme neuropsychiatrique. L'atrophie cérébrale était plus marquée aussi, dans les régions frontale et pariétale, dans le groupe dépressif par rapport au groupe de patients ayant d'autres symptômes neuropsychiatriques ; la différence n'atteignant cependant pas la significativité statistique. Enfin, la comparaison du groupe ayant des symptômes neuropsychiatriques, autres que dépressifs, au groupe indemne de tels symptômes n'a pas révélé de différence significative d'évolution atrophique sur les 2 années de suivi.
Lee G et coll. : Depression predicts progressive brain atrophy in mild cognitive impairment. Alzheimer's Association International Conference - AAIC (Paris) : 16-21 juillet 2011.

Le traitement de la dépression allongerait-il la survie des patientes ayant un cancer du sein métastatique ?

L'existence d'une dépression est associée à une mortalité plus élevée du cancer. Le traitement des symptômes dépressifs améliore t-il le pronostic ? Oui, d'après les résultats de cette étude randomisée qui montrent que les femmes ayant un cancer du sein métastatique et dont les symptômes dépressifs (appréciés à l'aide du CES-D [ Center for Epidemiological Studies Depression Scale]) ont diminué après traitement pendant un an ont une survie plus longue comparativement à celles dont la symptomatologie s'est accrue : 53,6 mois contre 25,1 mois. Ces résultats étaient indépendamment de l'âge au moment du diagnostic, du statut des récepteurs hormonaux ou de l'intervalle sans progression. A confirmer.
Spiegel D : Decrease in depression predicts longer survival with metastatic breast cancer. 164th Annual Meeting of the American Psychiatric Association (Hawaii, Honolulu) : 14-18 mai 2011
Dr Emmanuel Cuzin (16/08/2011)
 
Dépression : un marqueur d’identification des sujets fragilisés
16/09/2011       
Dans les suites d’un événement traumatisant existe-t-il une vulnérabilité à une dépression en cas de nouvelle situation stressante ? Oui, vraisemblablement, et certains individus y seraient plus sensibles, répond l’équipe INSERM U975 CNRS de Jean-Jacques Benoliel (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). Si les conclusions de son travail chez l’animal peuvent être reportées chez l’humain, ces individus à risque pourraient être dépistés peu après la survenue d’un premier événement, grâce au dosage d’une protéine, le BDNF (Brain-derived neurotrophic factor). L’exemple est celui d’un sujet ayant surmonté un deuil ou un divorce et qui, à la suite d’un stress ultérieur, même moins intense, déclarera une dépression.Les chercheurs ont mené leur étude sur des rats. Les rongeurs ont subi une situation équivalente à un stress social chez l’humain. Un mois après l’événement déclenchant, le taux sanguin de corticostérone était revenu à la normale chez tous les animaux. En revanche, les autres marqueurs biologiques ne s’étaient normalisés que chez 58 % des rongeurs (dits non vulnérables). Chez les autres, les 42 % considérés comme vulnérables, l’équipe a constaté une diminution persistante du BDNF dans le sérum et l’hippocampe. Chez eux, un stress modéré provoquait une élévation de la corticostérone et des signes de dépression.Ces résultats, concluent les chercheurs, mettent en évidence, chez certains individus, une vulnérabilité latente qui sous-tend le risque de survenue d’une dépression. Cette susceptibilité particulière pourrait être identifiée par l’association d’un taux de BDNF bas et d’un taux de corticostérone normal.› 
Dr G. B.
The Journal of Neuroscience, 7 septembre 2011, 31(36):12889-

Intérêt de la stimulation cérébrale profonde dans la dépression résistante


Cette technique invasive voit ces indications expérimentales se multiplier ces dernières années.La stimulation cérébrale profonde serait un traitement efficace et sûr pour les dépressions résistantes aux traitements classiques même à long terme, selon une petite étude nord-américaine publiée dans l'American Journal of Psychiatry. 30% des patients dépressifs ne répondent pas aux antidépresseurs. La stimulation cérébrale profonde constitue l'une des stratégies explorées pour ces cas. Mais le caractère invasif de cette technique impose « d'approfondir l'étude de son efficacité et de sa sûreté à long terme », rappellent les auteurs.Après un an d'étude initiale sur la stimulation cérébrale profonde, 20 patients ont été revus annuellement pour évaluer la sévérité de la dépression, les évolutions fonctionnelles et les effets indésirables. Les taux moyens de répondeurs un, deux et trois ans après une stimulation cérébrale profonde ont été de 62,5%, 46,2% et 75%. Lors de la dernière visite de contrôle (entre trois et six ans selon les cas), le taux de réponse moyen était de 64,3%.L'atteinte fonctionnelle en matière de santé physique et de fonctionnement social s'est progressivement améliorée jusqu'à la dernière visite de contrôle, la moitié des patients ayant par exemple repris leur travail. Aucun effet indésirable significatif n'a été enregistré pendant l'étude mais deux décès par suicide sont survenus lors de rechutes dépressives.« Ces données suggèrent qu'à long terme, la stimulation cérébrale profonde reste un traitement sûr et efficace pour traiter les dépressions résistantes », concluent les auteurs. Des études complémentaires avec des échantillons plus grands devront confirmer ces résultats.Les deux décès observés dans cette étude par suicide soulignent néanmoins la nécessité d'utiliser avec précaution et de renforcer le suivi psychiatrique des patients à long terme, y compris les thérapies pharmacologiques et psychosociales, en association avec la stimulation cérébrale profonde.
Virginie BAGOUET avec APM (Impact  Médecine)
07/02/11

Quel traitement dans la dépression mineure ?

Si l'intérêt des médicaments dans la dépression sévère (major depression) n'est plus à démontrer, leur place dans la dépression mineure (minor depression) demeure controversée. C'est l'objet d'une méta-analyse (fruit d'une collaboration internationale, sous l'égide de l'OMS) dans The British Journal of Psychiatry. Les auteurs rappellent ainsi que, dans la province d'Alberta (Canada), plus des deux tiers des personnes recevant des antidépresseurs n'ont en fait aucun diagnostic psychiatrique ! Mais seulement une « déprime », des problèmes de sommeil, des troubles anxieux ou des céphalées... Et l'Europe suit le même chemin : « près de 10 % des sujets sous antidépresseurs et sous anxiolytiques n'ont en réalité aucun diagnostic de dépression sévère.» Il semble donc que le meilleur indicateur du recours à ces médicaments ne soit plus un diagnostic formel de dépression, mais « la recherche d'une aide pour la maîtrise des émotions » (help for emotional problems).En matière de dépression modérée, les auteurs estiment que l'intérêt des antidépresseurs demeure discutable. Quant aux anxiolytiques, souvent associés (ou prescrits seuls), aucune preuve de leur efficacité dans cette indication n'est disponible (no evidence available) et il est « impossible de se prononcer sur leur éventuel rôle thérapeutique », bien qu'ils demeurent fréquemment prescrits, en pratique, contre des symptômes dépressifs.Pour les auteurs, il faudrait donc « reconsidérer la place des médicaments dans la dépression légère », surtout comme traitement de première intention. Et d'autant plus que l'efficacité des psychothérapies se révèle, en revanche, « significative, au moins sur le court terme.» En définitive, face à la dépression légère, une réflexion s'impose sur les protocoles les plus judicieux et sur les priorités dans l'attribution des moyens humains et matériels : « il existe clairement une nécessité de développer des « approches alternatives» où les psychothérapies (psychological interventions) devraient équilibrer des réponses pharmacologiques encore trop exclusives ou systématiques.
Barbui C et coll. : « Efficacy of antidepressants and benzodiazepines in minor depression : systematic review and meta-analysis » Br J Psychiatry 2011; 198-1 : 11-16 (JIM) Dr Alain Cohen


L’EVALUATION DU RISQUE DE RECIDIVE dans Trouble Depressif Majeur Recurrent: symptômes résiduels ou prodromiques, idées suicidaires, facteurs de risque ?
 
 
Il s’agit de s’assurer de la réalité de la rémission pour élaborer une véritable stratégie de prévention de la récidive.
 
L’évaluation du risque suicidaire reste toujours essentielle dans l’évolution d’un trouble thymique et donc bien évidemment à ce moment d’évaluation.
 
Le niveau de preuves de la liste établie par l’HAS des facteurs de risque est variable, il paraît judicieux de privilégier sans être exhaustif ceux de niveau élevé :
 
-          sexe féminin
-          Durée de l’évolution de la maladie : durée des épisodes dépressifs préalables ainsi que leur nombre et leur espacement (au moins 2 EDC en 4 ans plus épisode actuel)
-          formes sévères d’EDC (suicidalité, symptômes psychotiques)
-          persistance de symptômes résiduels pendant le traitement ou la rémission
 
Les autres facteurs de risque à niveau de preuves discutables :
 
-     âge au premier EDC supérieur à 60 ans ou inférieur à 30ans
-          récidive rapide
-          antécédents familiaux d’EDC
-          Prise en charge inadaptée ou observance insuffisante du patient lors du ou des EDC précédents.
-          Non prise en compte des événements de vie qui ont précipité l’apparition du ou des EDC précédents.
-          Traumatismes, séparations ou deuils précoces.
-          Troubles anxieux et troubles de la personnalité
-          Addictions y compris le tabagisme
-          Environnement familial, social et/ou professionnel insuffisant ou stressant, contexte économique précaire.
 
Les facteurs de résistance aux antidépresseurs

Les facteurs cliniques favorisant la rémission des épisodes dépressifs : sexe féminin, niveau socio-économique élévé, absence de troubles obsessionnel-compulsifs ou de troubles post traumatiques.Dans l'étude STAR-D, la présence de troubles anxieux ou d'irritabilité étaient des facteurs de résistance.
Peut-on s'appuyer sur des marqueurs biologiques de résistance aux traitements antidépresseurs? Certaines études préliminaires ont suggéré que certaines techniques électroencéphalographiques quantitatives étaient prédictives de résistance, mais ne peuvent malheureusement pas être utilisées en pratique clinique quotidienne.
Le développement de la pharmacogénétique, en particulier la meilleure connaissance des différences interindividuelles au niveau des cytochromes P450, pourrait aider à mieux caractériser les sujets métaboliseurs lents. Ceux-ci sont repérables cliniquement par leur intolérance à des traitements multiples, notamment à faibles doses. Malheureusement, les tests évaluant les variants des cytochromes P450 sont très coûteux et en pratique, les dosages sanguins sont plus faciles à réaliser.
Au niveau pharmacodynamique, certaines études préliminaires ont suggéré des liens entre certains variants des gènes des récepteurs sérotoninergiques HTR2A et la résistance au citalopram ainsi qu'entre certains variants des gènes TREK1 et la résistance à la duloxétine. Ces études préliminaires n'ont cependant pas été répliquées, la résistance étant vraisemblablement liée à l'influence simultanée de nombreux gènes.
 Stratégies thérapeutiques 
Le  nombre d'études randomisées contrôlées menées spécifiquement chez les sujets dépressifs ayant résisté à plusieurs traitements antidépresseurs est faible. L'étude STAR- D a montré l'intérêt d'utiliser des doses élevées d'antidépresseurs et d'essayer plusieurs associations de traitements antidépresseurs. L'adjonction d'autres types de traitements peut être envisagée, en particulier de lithium, d'hormones thyroïdiennes, de bupropion, d'électroconvulsivothétapie ou de TMS. Plus de 60 études et une méta-analyse ont maintenant montré l'intérêt de l'association de lithium au traitement antidépresseur. La réponse antidépressive s'obtient à des lithiémies comprises entre 0,4 et 0,8 Meq/l, en moyenne après six semaines de traitement, certains patients pouvant être améliorés après seulement 48 heures.
Dix études ont montré l'efficacité dans les dépressions résistantes de l'adjonction aux antidépresseurs d'hormones thyroïdiennes, en particulier de T3 à des doses comprises entre 25 et 50 µg par jour, mais les résultats restent discutés. L'adjonction de buspirone, à des doses comprises entre 10 et 40 mg par jour, est plus controversée. Certaines études préliminaires récentes ont également suggéré l'intérêt de l'adjonction d'acide folique ou de modafinil.
 Antipsychotiques atypiques et dépressions résistantes
L'intérêt de l'adjonction d'antipsychotiques atypiques dans la dépression résistante. En effet, d'après dix études randomisées contrôlées, regroupant environ 1 500 patients souffrant de dépression résistante, 47% des patients traités par antidépresseurs associés à un antipsychotique atypique ont été en rémission contre 22% chez les patients traités par antidépresseurs associés à un placebo. Ces résultats expliquent l'autorisation récente de la FDA pour utiliser certains antipsychotiques atypiques dans les dépressions résistantes.
Cependant, deux questions restent en suspend: quid de l'efficacité de l'association à long terme qui n'a pas été évaluée pour l'instant et quand utiliser cette association, après utilisation de deux antidépresseurs ou plus?
La durée optimale de traitement sous antidépresseur, soit 6 mois, n’est respectée que chez 16% des patients traités
Seul un patient dépressif sur six reçoit un traitement antidépresseur sur une durée d’au moins six mois, c’est-à-dire un traitement d’une durée conforme aux recommandations françaises et internationales ; et 55% des patients dépressifs ont une délivrance d’antidépresseur inférieure à 28 jours.
Ce constat est établi par le Pr Hélène Verdoux, de l’unité Inserm U267 à Bordeaux, qui a suivi la prescription de 34 663 patients à partir des données de l’assurance maladie. « Des résultats comparables ont été mis en évidence dans d'autres pays, rappelle la chercheuse. De plus, cette situation n'est pas propre aux antidépresseurs. Mais ici, l'écart entre les pratiques et les recommandations est particulièrement marqué ». L’étude souligne aussi que la durée du traitement antidépresseur est plus souvent adéquate chez les femmes, les non-bénéficiaires de la CMU, les patients en ALD et ceux qui se sont vus prescrire un antidépresseur par un psychiatre ou un praticien hospitalier.
« Les facteurs explicatifs sont probablement multiples, avance Hélène Verdoux : réticence vis-à-vis de la prise de médicaments psychotropes, problème d'observance, manque d'information sur le délai d’efficacité du traitement, manque d'information ou non prise en compte de l'information sur la nécessité de maintenir le traitement plusieurs mois après la disparition des symptômes... ».
Ces résultats rejoignent ceux d’une enquête épidémiologique menée en 2005 auprès de 16 883 Français en population générale : « seules 21% des sujets vivant un épisode dépressif majeur recevaient un traitement adéquat », souligne Xavier Briffault, chercheur CNRS-Inserm à l’Université Paris-Descartes, auteur de cette étude (Encephale, 2009). Les taux de traitements adéquats étaient de 37,2% chez les patients qui avaient recours à un médecin généraliste, de 65,1% chez ceux qui avaient recours à un psychiatre et de 79,7% en cas de recours conjoint à un psychiatre et à un généraliste.
« Ces résultats sont un peu désespérants, se désole le Pr Frédéric Rouillon, psychiatre, chef de service au Centre hospitaliser Sainte Anne (Paris) : depuis 40 à 50 ans, nous insistons sur la nécessité de maintenir durablement un traitement antidépresseur lorsqu’il est entrepris. A l’évidence, ce message ne passe pas : il faut donc rappeler que face à un épisode dépressif, mieux vaut réfléchir avant de prescrire trop rapidement un antidépresseur ; une fois ce traitement prescrit, il faut tout mettre en œuvre pour que soit respectée la durée optimale de 6 mois de traitement, en cas d’épisode dépressif unique ».
« Mieux vaut promouvoir le bon usage des antidépresseurs, poursuit le psychiatre, plutôt que d’épiloguer sur leur utilité ou leur inutilité alors qu’ils ont indéniablement démontré leur efficacité dès lors que leur indication est bien posée – notamment en cas de dépressions graves ». D’où l’importance de renforcer encore la communication auprès des professionnels de santé : « pourquoi pas une campagne calquée sur "les antibiotiques, c’est pas automatique !", qui insistait à la fois sur la nécessité de bien prescrire ces médicaments, mais aussi de ne pas les interrompre prématurément ».
Quatre types de difficultés peuvent être pointées dans la prise en charge de la dépression en médecine générale. « Il est parfois très difficile de distinguer une simple présentation dépressive d’un véritable épisode dépressif caractérisé », indique Xavier Briffault. Le second écueil est lié au mode d’action des antidépresseurs : « durant les 3 premières semaines de traitement, les patients ressentent les effets secondaires des antidépresseurs sans en éprouver les effets positifs, explique Xavier Briffault, ce qui ne favorise évidemment pas la poursuite du traitement. Les médecins doivent l’expliquer au patient lors de la prescription ». « C’est toute la pédagogie du traitement, renchérit Frédéric Rouillon : il s’agit de dire au patient "on paie pour voir", même si les désagréments des nouveaux traitements sont bien moindres que ceux des anciens tricycliques ».
Les deux autres obstacles sont connus : « le quart d’heure de consultation en médecine générale ne suffit pas à faire le diagnostic d’une dépression, à l’expliquer au patient et à l’informer sur le traitement. Enfin, le maillage entre généralistes et professionnels de santé mentale reste faible en France, les psychiatres français communiquant généralement peu avec les généralistes », estime Xavier Briffault.
« En cas d’arrêt prématuré, le risque de rechute dépressive et de chronicisation de l’état dépressif est important », conclut Hélène Verdoux, qui insiste sur les trois leçons à tirer de son étude : « Bien poser les indications d’un antidépresseur en utilisant notamment les critères d’une durée minimale de 15 jours des symptômes, car on sait qu’au moins un tiers des patients sous antidépresseurs ne présentent pas de trouble psychiatrique avéré ; insister auprès du patient sur le délai d’action de 2 à 3 semaines avant qu’il n’éprouve une amélioration, en le revoyant une semaine après la première consultation afin d’apprécier notamment ses éventuelles idées suicidaires ; enfin, attendre l’obtention d’une amélioration avant de souligner la durée minimale de 6 mois de traitement».

Recommandations pour la prise en charge des troubles dépressifs récurrents ou persistants de l'adulte
 
1 Les troubles dépressifs récurrents ou persistants de l’adulte correspondent à trois complications de la dépression : le trouble dépressif récidivant, les symptômes résiduels et rémission partielle, les formes chroniques de dépression.
2 L’évaluation globale du patient par un psychiatre est fondamentale. Le traitement fait appel aux psychothérapies, aux antidépresseurs, au soutien. Le but du traitement est avant tout d’éviter le risque suicidaire et de soulager le patient.
3 Le traitement est long. Le suivi en consultation est fréquent et planifié. Le patient est encadré y compris sur le plan social. L’arrêt du traitement médicamenteux et des consultations est progressif et lent pour éviter rechute
et sevrage.
 
1 IDENTIFIER LES COMPLICATIONS
Les troubles dépressifs admis dans les affections psychiatriques de longue durée sont : les troubles dépressifs récurrents (après 3 épisodes au moins), les troubles de l’humeur persistants et sévères.En sont exclus : l’épisode dépressif isolé, la réaction dépressive brève, la réaction aiguë à un facteur de stress, la dysthymie légère.
Les troubles de l’humeur abordés dans ces recommandations sont à type d’abaissement de l’humeur ; les troubles bipolaires font l’objet d’une autre recommandation.Les troubles dépressifs de l’ALD 23 correspondent aux complications évolutives d’un épisode dépressif caractérisé.
 
On définit trois complications de gravité croissante :
les récurrences ou récidives dépressives, les symptômes résiduels et les formes chroniques des épisodes dépressifs caractérisés.
• Trouble dépressif caractérisé récidivant :
au moins 2 épisodes dépressifs caractérisés séparés d’au moins 2 mois, non expliqués par un trouble psychotique, sans épisode maniaque ou hypomaniaque auparavant.
• Symptômes résiduels et rémission partielle :
persistance de symptômes potentiellement invalidants n’existant pas avant l’épisode dépressif (exemple : troubles du sommeil, sexuels, alimentaires, asthénie, anxiété, persistance d’idéation dépressive, baisse de l’estime de soi, dysphorie, émoussement affectif).
• Formes chroniques d’épisodes dépressifs caractérisés : symptomatologie d’un épisode dépressif caractérisé qui dure 2 ans au moins.
 
2 ÉVALUATION ET STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
L’évaluation
Effectuée avec le patient elle a pour but d’étudier les épisodes dépressifs précédents, leur type, le traitement reçu ; d’identifier les comorbidités psychiatriques et somatiques ; d’évaluer le retentissement socioprofessionnel ; de l’informer ; de décider avec lui de la stratégie thérapeutique globale et de dédramatiser le recours à une consultation psychiatrique. L’évaluation et le traitement du patient nécessitent l’intervention d’un psychiatre qui fera un bilan spécialisé de la pathologie et établira un plan thérapeutique. Les consultations régulières avec le patient pourront être assurées par un généraliste.
Suivant la complication évolutive, il faut orienter l’évaluation.En prévention des récidives, évaluer l’absence de symptômes résiduels, de prodromes d’un nouvel épisode, l’absence d’idées suicidaires, les facteurs de risque de récidive.En cas de symptômes résiduels, évaluer le type de symptômes, leur chronologie ; leur sévérité (idées suicidaires) ; leur retentissement sur la qualité de vie du patient et de l’entourage.
En cas de dépression chronique, évaluer : le nombre et l’intensité des symptômes ; la durée (>2ans) ; le risque suicidaire ; la participation iatrogène à la chronicité ; le retentissement sur la qualité de vie (patient et entourage).
• Les moyens thérapeutiques
• Informer le patient sur sa pathologie, son accès aux soins, les traitements, les psychothérapies, l’hygiène de vie (sport, sorties, toxiques, sommeil, alimentation).
- Une relation d’aide ou de soutien multiple (généraliste, psychiatre, psychologue, entourage, associations).
- Les psychothérapies structurées, chacune a des objectifs distincts (comportementales, psychodynamiques, systémiques), conduites par des professionnels spécialement formés.
- Les traitements antidépresseurs sont une référence dans les épisodes modérés à sévères, ces traitements sont symptomatiques.
- Le lithium est efficace en prévention des récidives d’épisode dépressif du
trouble dépressif unipolaire.
- Les autres médicaments adjuvants (prescription à limiter dans le temps) : anxiolytiques (benzodiazépines, antihistaminiques), hypnotiques, traitements des dysfonctions érectiles, (prescriptions à réévaluer à chaque consultation).
- L’hospitalisation psychiatrique en cas de crise suicidaire d’urgence élevée,
d’évaluation d’une situation complexe, de rupture avec l’entourage, de difficultés de surveillance en ambulatoire, de changement de traitement.
- L’électroconvulsivothérapie est réservée au milieu spécialisé.
- La luminothérapie est efficace dans le traitement de la dépression saisonnière (critères précis).
- Le traitement des comorbidités (somatiques, troubles paniques et anxieux,
alcool, troubles de la personnalité).
 
3 LE SUIVI
• La durée du traitement
En prévention des récidives, elle dépend du nombre et de la sévérité des épisodes antérieurs, des pathologies associées, des antécédents familiaux. Elle est supérieure à 12 à 18 mois, et encore plus longue chez le sujet âgé.
Dans la dépression chronique, sa durée est de 18 mois à 2 ans au moins.Réévaluer le plan de traitement une à deux fois par an. Le rythme des consultations est déterminé lors de la mise en place du plan de traitement.
L’arrêt des psychothérapies doit être planifié avec le patient, les séances sont espacées avant d’être arrêtées.L’arrêt du traitement antidépresseur de
longue durée se fait par diminution progressive des doses.Informer le patient de trois risques après l’arrêt : la récidive (mêmes symptômes), le rebond (mêmes symptômes mais plus sévères), le syndrome d’arrêt qui dure maximum 8 jours (anxiété, cauchemars, insomnies, vertiges, syndrome pseudo-grippal).
Suivant les traitements prescrits, des examens complémentaires biologiques
et/ou d’imagerie sont nécessaires avant et pendant les traitements.
 
 
Le bénéfice de l’ajout d’un antipsychotique dans les dépressions résistantes est largement supérieur à celui des autres adjuvants.

 Atypical antipsychotic augmentation in major depressive disorder : a meta-analysis of placebo- controlled randomized trials.
Am J Psychiatry. 2009 Sep ; 166 (9) : 980-91. Nelson JC, Papakostas GI.
 
Lors de la prise en charge des dépressions résistantes, de nombreuses stratégies pharmacologiques sont possibles. Les plus analysées, en dehors des associations d’antidépresseurs, sont l’ajout de Lithium et les hormones thyroïdiennes. Les cliniciens français ont souvent ajouté de petites doses de neuroleptiques aux antidépresseurs. Depuis l’arrivée des antipsychotiques, mieux tolérés, cette association antidépresseur + antipsychotique dans les dépressions résistantes est passée dans les habitudes. Mais les analyses randomisées permettent-elles de dire que cette stratégie est réellement efficace ?
Deux scientifiques de Harvard ont effectué une analyse exhaustive de toutes les études randomisées sur le sujet et en ont retenu 16 ayant des critères de qualité suffisants. L’approche s’est heureusement ouverte, à partir d’un questionnement binaire (oui ou non l’ajout d’antipsychotiques augmente l’efficacité des antidépresseurs dans les dépressions résistantes), vers des questions plus fines. Sont ainsi aussi recherchés un effet préférentiel sur la réponse (baisse de 50 % du score initial de dépression) versus sur la rémission (score résiduel minimal), ainsi que l’impact de cette association sur la compliance (on retrouve plus souvent des effets indésirables lors des associations médicamenteuses). Au niveau méthodologique, l’impact de la durée de l’étude et du type d’échelle étudiée, a aussi été analysé.  
 Le bénéfice de l’ajout d’antipsychotiques dans la dépression résistante est très significativement plus important que l’ajout d’un placebo. Le taux de réponse s’améliore de 70 % (OR = 1,69) et évolue entre 1,39 (Olanzapine) et 2,07 (Arpiprazole). Le bénéfice est significativement supérieur à 1 pour tous les antipsychotiques testés (Risperidone et Quetipine inclus).
Les autres évaluations montrent que le bénéfice est encore plus patent si on se fixe sur les taux de rémission (2 fois plus important que le placebo), et c’est alors le Risperidone qui sort le plus (OR = 2,63). Bien sûr il existe un peu plus de sortie d’essai des patients sous antipsychotiques que sous placebo comme traitement adjuvent à l’antidépresseur, mais ce risque est modeste (30 % de plus) et à la limite de la significativité. Le plus associé à un haut taux de sortie d’essai est la Quetiapine (60 % de plus). Si les analyses ne s’intéressent qu’aux sorties d’essai pour des raisons d’effets indésirables, alors la différence est beaucoup plus franche (OR = 4 !), entre 5,5 pour la Quetiapine et 2,7 pour l’Aripiprazole. Les variations de durée du protocole et le type de mesure des sorties d’essai n’influent pas de manière significative sur les résultats globaux.
 Les antipsychotiques doivent constituer LA stratégie de référence dans les dépressions résistantes. Les auteurs remarquent perfidement que les données sur le Lithium, considéré comme gold standard dans ce type de stratégie thérapeutique, se basent sur un nombre très limité d’études et surtout de patients. Les conclusions sur l’effet bénéfique du Lithium se basent sur l’étude de 270 patients au total, l’étude ici détaillée sur 3 500…

L’efficacité des antidépresseurs démontrée uniquement dans les dépressions sévères
Les antidépresseurs seraient efficaces exclusivement pour traiter les dépressions sévères selon une méta-analyse publiée le 6 janvier dans la revue Journal of the American Medical Association (Jama).
« Les antidépresseurs ont montré une supériorité par rapport au placebo dans des milliers d'essais cliniques contrôlés durant les cinq dernières décennies », indiquent les auteurs d’une méta-analyse publiée le 6 janvier dans Jama. Mais la très grande majorité des essais conduits sur les antidépresseurs l'ont été dans les dépressions sévères, alors qu’ « environ 70% des patients auxquels on prescrit un antidépresseur ont une dépression légère à modérée », précise l’équipe de l’université de Pennsylvanie.
Pour déterminer l'efficacité des antidépresseurs selon la sévérité de la dépression, les chercheurs ont conduit une méta-analyse regroupant des études incluant des patients ayant tous les niveaux de sévérité de la dépression. Sur 718 patients inclus dans six études randomisées contre placebo, 180 avaient un score inférieur ou égal à 18 sur l'échelle de Hamilton (HDRS) (soit une dépression légère), 255 un score entre 19 et 22 (dépression modérée) et 283 un score de 23 ou plus (dépression sévère).
D’après l’analyse des auteurs, le traitement antidépresseur n’est efficace sur la symptomatologie de la dépression uniquement si l’HDRS est supérieur à 25, soit pour les dépressions sévères. « Sur le plan méthodologique, cette étude est très fiable, commente le Pr Hélène Verdoux, psychiatre au CHU de Bordeaux. L’effet démontré ne peut être attribué à des biais méthodologiques ».
Cependant, elle considère que ces résultats ne sont pas surprenants et ne font que confirmer « avec des raffinements méthodologiques » des résultats publiés l’an passé sur le site Plos Medecine : « les antidépresseurs ont une efficacité non démontrée dans les dépressions d’intensité modérées à légères. »
Pour le Pr Verdoux, ces résultats ne sont pas en contradiction avec les recommandations actuelles. En effet, celles-ci mettent en avant l’intérêt de la psychothérapie et ne préconisent pas de prescrire systématiquement en première ligne des antidépresseurs aux patients atteints de dépression d’intensité modérée.
« Mais en pratique que faire ? », demande Hélène Verdoux. « Il est facile d’accabler les généralistes en dénonçant le fait qu’ils prescrivent trop d’antidépresseurs, mais quelle autre solution ont-ils et quels moyens leur donne-t-on pour répondre à des gens présentant des symptômes dépressifs ? Qui va réaliser les psychothérapies : les psychologues non remboursés ? les psychiatres souvent inaccessibles ? Les constats sont toujours les mêmes mais les solutions loin d’être évidentes ! ».
« Le vrai problème est l’accès aux psychothérapie car le médecin se doit de proposer une solution à ses patients dépressifs », conclut le Pr Verdoux..

La dépression le stress et les antidépresseurs
 
L’épisode dépressif majeur (EDM) est un trouble psychiatrique fréquent dont la prévalence dans la population générale à 12 mois et au cours de la vie sont actuellement estimés respectivement à 5,28 et 13,23 %. Son évolution la plus fréquente est vers un trouble dépressif récurrent, dont les déterminants sont multiples. Au fur et à mesure des épisodes dépressifs, des événements de vie de plus en plus minimes peuvent déclencher des récurrences.
 
Les troubles dépressifs sont actuellement considérés comme associés à un état cérébral pathologique neurotoxique, avec une souffrance cérébrale qui se manifeste entre autres par des modifications du volume cérébral : des changements au sein du système limbique y compris l’hippocampe, structure impliquée dans des fonctions cognitives et  émotionnelles, ont été mis en évidence par l’imagerie structurale, mais également dans des modèles animaux de dépression, qui se rapprochent de plus en plus de la réalité clinique.
 
L’atrophie hippocampique constatée chez des patients dépressifs récurrents s’accompagne de changements anatomiques avec atrophie dendritique, diminution de la neurogenèse et réduction du volume de l’hippocampe objectivable à l’IRM morphologique.
 
Induite par la dépression, la perturbation de la neuroplasticité de l’amygdale et du cortex, mais surtout de l’hippocampe, serait responsable de troubles cognitifs, de la mémoire épisodique verbale (MEV) ainsi que de troubles émotionnels.
 
Le stress chronique et la dépression induisent une atrophie avec perte cellulaire et une diminution de la synthèse des facteurs neurotrophiques au sein de l’hippocampe, qui sont réversibles avec un traitement antidépresseur. Celui-ci a comme propriété de bloquer les effets du stress sur l’hippocampe en stimulant la neurogenèse hippocampique et des phénomènes de neuroplasticité. La neurogenèse et la neuroplasticité seraient à l’origine de l’effet des antidépresseurs dans des modèles animaux de dépression.

Mécanismes d’actions des antidépresseurs

Les facteurs de stress et les troubles de l'humeur ont un impact direct sur la plasticité neuronale et cérébrale, réduisent la résilience neuronale dont la diminution serait à l'origine d'une vulnérabilité accrue des patients face aux nouveaux événements de vie, altérations de la capacité à s'adapter à l'environnement en fonction des expériences psychiques et cognitives de l'individu et, donc, d'un risque élevé de rechutes et de récidives.
Des perturbations dans la plasticité neuronale et la résilience cellulaire sont des facteurs critiques qui perpétuent le disfonctionnement des circuits neuronaux. Il serait important de considérer de nouveaux moyens d’intervention qui s’y attaquent directement pour obtenir non seulement une amélioration clinique, mais également une normalisation dans le fonctionnement des circuits en question.
Par conséquent, certains antidépresseurs pourraient être considérés comme des substances « prorésilience », exerçant, au-delà des effets sur les neurotransmetteurs aminergiques, un impact sur l'expression des facteurs trophiques (Bdnf) et, donc, sur la neuroplasticité.
L’incapacité d’expliquer totalement l’action des antidépresseurs seulement avec la théorie de l’augmentation de la disponibilité des neurotransmetteurs monoaminergiques et la régulation des récepteurs supporte l’hypothèse d’une implication des voies de signalisation intracellulaire. Un traitement aigu aux antidépresseurs augmente les niveaux de 5-HT et NE en inhibant leur recapture ou catabolisme. Un traitement chronique provoque aussi un changement dans la disponibilité des monoamines et diminue l’expression de certains récepteurs de la 5-HT ou NE (les récepteurs β-adrénergiques et les récepteurs 5-HT). Ces changements sont probablement causés par des altérations ou activations de diverses protéines ou par l’expression de certains gènes.
L’attention dans la compréhension des mécanismes moléculaires qui sont à la base de la dépression et dans l’étude des mécanismes d’action des antidépresseurs s’est donc déplacée des récepteurs pour la 5-HT et NE vers les cibles intracellulaires telles que les seconds messagers et les facteurs de transcription. Les protéines affectées par l’action des antidépresseurs demeurent encore incertaines. Par contre, des données et des hypothèses impliquant certaines cibles intracellulaires ont été dernièrement proposées, plus particulièrement, le système de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), le facteur de transcription cAMP Response Element Binding Protein (CREB), la neurotrophine Brain-Derived Neurotrophic Factor (BDNF), la voie des Mitogen-Activated Protein Kinases (MAPK) et la protéine anti-apoptotique Bcl-2. Les systèmes de neurotransmission peuvent donc affecter directement la plasticité, et c’est l’un des principaux mécanismes permettant à la dopamine, à la noradrénaline, à la 5-hydroxytryptamine et à l’acétylcholine d’exercer leurs effets trophiques.
Le système de l’AMPc et la protéine CREB
L’adénylyl cyclase (AC) est une enzyme de membrane couplée à un récepteur à protéine G. On retrouve parmi ceux-ci les récepteurs sérotoninergiques 5-HT, les récepteurs adrénergiques, les récepteurs muscariniques, les récepteurs dopaminergiques D et plusieurs récepteurs hormonaux. Une fois activée par les récepteurs, l’AC provoque une augmentation des niveaux cytosoliques de l’AMPc. L’AMPc active par la suite la protéine kinase AMP cyclique dépendante (PKA). Un des principaux substrats de la PKA est la protéine CREB. CREB est un facteur de transcription exprimé dans toutes les cellules. Il fait partie de la grande famille des "CREB/ATF-activating transcription factor", qui ont la propriété de se lier sur un segment spécifique de l’ADN, le promoteur "cAMP Response Element" (CRE). L’activation du CREB lui confère la capacité d’interagir avec des composantes du complexe d’initialisation de la transcription (TFIID) et donc de stimuler la transcription de gènes cibles.
La protéine CREB exerce son action dans une multitude de fonctions physiologiques : elle est impliquée dans le métabolisme intermédiaire, dans la régulation du rythme circadien (la synthèse de la mélatonine est induite à chaque fois qu’il y a stimulation de la voie de l’AMPc dans le noyau suprachiasmatique, dans le contrôle de la prolifération cellulaire, dans le développement de l’hypophyse et dans la communication synaptique. Les gènes de plusieurs hormones (somatostatine, VIP, gonadotropine), neurotransmetteurs (proencéphaline) et d’enzymes impliquées dans la synthèse des neurotransmetteurs (tyrosine hydroxylase) sont régulés par CREB. De plus, CREB est un régulateur important dans l’expression du gène  du BDNF.
CREB est aussi impliquée dans les processus d’apprentissages, dans la mémoire et dans la plasticité synaptique. Elle régule notamment les gènes de transcription qui servent à la mémoire à long terme.
Il a été démontré qu’un traitement chronique aux antidépresseurs, outre que de modifier la densité des récepteurs 5-HT et NE, produisent une activation soutenue du système AMPc qui se traduit en une augmentation des niveaux intracellulaires d’AMPc, une augmentation des niveaux de PKA et en une augmentation de l’expression et de la phosphorylation de CREB. Cet effet des antidépresseurs serait spécifique à certaine région seulement, particulièrement le cortex frontal et l’hippocampe. Cette activation de la voie AMPc et de la protéine CREB pourrait contribuer à l’efficacité des traitements aux antidépresseurs en augmentant l’expression de certains gènes. Une corrélation existe notamment entre l’augmentation de l’activation de la voie AMPc et de la phosphorylation de CREB et l’augmentation de l’expression génique de BDNF et de son récepteur trk-B.
La neurotrophine BDNF
La molécule BDNF, isolée à partir du cerveau de cochon, est un facteur neurotrophique, membre de la famille des neurotrophines, qui comprend aussi d’autres facteurs neurotrophiques tel que Nerve Growth Factor (NGF) et les neurotrophines NT-3, NT-4 et NT-5. Les neurotrophines jouent un rôle crucial dans la régulation du développement et dans la survie des neurones. BDNF est impliquée plus particulièrement dans la régulation du phénotype, le développement, la plasticité et la survie des neurones sérotoninergiques. De plus, BDNF exerce une action trophique, il est largement exprimée dans tout le SNC mais on retrouve les plus hauts niveaux dans le cortex et l’hippocampe, régions cérébrales impliquées dans les processus mentaux supérieurs tels que l’apprentissage et la mémoir.
Les neurotrophines se lient spécifiquement à des récepteurs protéiques tyrosine kinases (trk), localisés dans la membrane plasmique. Le récepteur active par la suite l’enzyme Phospholipase C (PLCγ) et la cascade des MAPKs (en particulier la voie ERK/MAPKs). L’activation des MAPKs provoque leurs translocations vers le noyau où elles vont phosphoryler divers facteurs de transcription tels que CREB, c-fos et c-jun.
Plusieurs facteurs peuvent influencer l’expression génique de BDNF. Par exemple,  des stimuli stressants et l’augmentation des concentrations de corticostéroïdes diminuent nettement l’expression de BDNF dans l’hippocampe (les cellules pyramidales de la région CA3 sont les plus vulnérables au stress). De plus, le stress semble inhiber la prolifération de nouveaux neurones dans le gyrus dentelé. Il a été supposé que, dans les formes de dépression associées aux stress, la réduction de l’expression génique de BDNF rendrait les neurones hippocampaux (en particulier ceux de la région CA1 et CA3) plus vulnérables et susceptibles à l’atrophie et la mort cellulaire. Ces dommages seraient la cause des déficits cognitifs typiques rencontrés chez les patients dépressifs. Conformément à cette hypothèse, il a été démontré qu’un traitement chronique aux antidépresseurs augmente l’expression génique de BDNF et du récepteur trkB dans l’hippocampe de rat.
L’augmentation de l’expression de BDNF induite par les antidépresseurs protégerait les neurones hippocampaux contre les dommages causés par le stress chronique, les concentrations élevées de corticostéroïdes, les cytokines, l’hypoxie et l’hypoglycémie. De plus, BDNF stimulerait la croissance de neurones sérotoninergiques et noradrénergiques dans l’hippocampe ce qui pourrait expliquer en partie l’efficacité des antidépresseurs dans l’amélioration de la capacité d’apprentissage et dans la normalisation des fonctions cognitives chez les patients traités.
Autres cibles : Bcl-2 et la cascade ERK/MAPK
D’autres cibles intracellulaires de certaines drogues possédant des effets antidépresseurs sont la cascade Extracellular signal-regulated kinase (ERK)/ Mitogen-activated protein kinase (MAPK) et la protéine anti-apoptotique B-cell lymphoma/leukemia-2 (Bcl-2). Le récepteur trkB, activé par BDNF, peut activer à son tour la cascade des ERK/MAPK. De récentes études ont démontré qu’un traitement chronique au lithium et à l’acide valproïque active la cascade ERK/MAPK et augmente l’expression de Bcl-2. De plus, il a été observé que, lors d’un traitement chronique au lithium, la protéine pro-apoptotique Bcl-2-antagonist of cell death (BAD) est phosphorylée et inactivée par Rsk-2.
En conclusion, les données des études mentionnées ci-dessus nous amènent à penser que l’administration d’antidépresseurs pourrait agir sur deux fronts : d’un côté, ils activent des protéines possédant une action trophique comme BDNF et Bcl-2 et d’un autre côté, ils inactivent des protéines pro-apoptotiques telles que BAD. Cette double action est promulguée par une régulation directe ou indirecte des antidépresseurs sur de nombreux messagers intracellulaires et amène à la fin à une augmentation de la résistance cellulaire et de la neuroplasticité.
Les antidépresseurs diminuent l’impact du stress sur la plasticité neuronale ou modulant l’activité synaptique et la production de neurotrophines
Des altérations structurales au niveau de l'hippocampe sont réversibles avec le temps et les traitements antidépresseurs. La sérotonine (5-HT) apparaît jouer un rôle clé, par ses effets dans la réponse au stress et le traitement de la dépression, comme dans son implication dans En l’absence d’hypothèse a priori sur son mode d’action, en administration aiguë, la tianeptine a une action importante sur la potentialisation à long terme dans l’hippocampe et le cortex préfrontal. L’administration de faibles doses de tianeptine, après le stress, restaure totalement la potentialisation à long terme, dans l’hippocampe et le cortex préfrontal, alors que la fluoxétine est peu efficace.
Chez le rat, le stress aigu provoqué par une exposition sur une plate-forme élevée entraîne une réduction directe de la LTP dans la région CA1 de l’hippocampe et dans les zones de projection vers le cortex préfrontal. Un stress induit une atrophie de l’arborisation dendritique de la région hippocampique CA3 et dans les zones de projection préfrontales chez le rat. Ces effets sont contrecarrés par la tianeptine, mais pas par la fluoxétine; un excès de glucocorticoïdes entraîne également des changements histomorphologiques au niveau de l’hippocampe, effets également contrecarrés par la tianeptine.  Des antidépresseurs tels que la tianeptine pourraient donc agir directement sur la plasticité neuronale via les systèmes glutamatergiques.
 
Modulateurs allostériques des récepteurs AMPA
Les modulateurs allostériques positifs des récepteurs AMPA modifient la plasticité neuronale et favorisent la potentialisation à long terme et la mémoire, en ralentissant la désensibilisation des récepteurs AMPA activés par un neurotransmetteur endogène, le glutamate. De plus, ces molécules augmentent le taux de neurotrophines, particulièrement du BDNF. Des études ont également montré que les modulateurs allostériques positifs des récepteurs AMPA augmentaient la synthèse et la libération du BDNF, qui a des effets trophiques et neuroprotecteurs. Les modulateurs allostériques positifs AMPA montrent des effets neuroprotecteurs et neurotrophiques qui pourraient être sous-tendus par ces propriétés. En facilitant la transmission glutamatergique et en favorisant la plasticité cérébrale, ces substances pourraient représenter un nouveau principe thérapeutique.
La Haute Autorité de Santé (HAS)  2009: guide et recommandation concernant la Psychiatrie
Les guides, à destination des médecins, ont pour but de définir quels sont les traitements et examens remboursés par la Sécurité sociale pour une affection de longue durée (ALD). La prise en charge optimale des patients est explicitée dans ce cadre
 
Guide ALD sur les troubles dépressifs récurrents et aux troubles de l'humeur persistants et sévères
Publié en avril 2009, il fait suite au guide HAS 2 007 sur la prise en charge des complications évolutives d'un épisode dépressif caractérisé de l'adulte.
 
La prise en charge des adultes admis en ALD pour des troubles dépressifs récurrents (après au moins trois épisodes) ou persistants, repose sur une coopération étroite entre médecins généralistes et psychiatres. Ces derniers évaluent les troubles avec les patients et établissent un plan de traitement médicamenteux et psychothérapique.
 
Dans la prévention des récidives, le traitement doit être maintenu pendant plus de 12 à 18 mois après rémission des symptômes, en particulier si les épisodes antérieurs ont été nombreux et sévères et s'il existe des pathologies associées ou des antécédents familiaux. Dans la dépression chronique, le traitement est maintenu 18 mois à 2 ans après rémission des symptômes.
 
Les facteurs de résistance aux antidépresseurs
Les facteurs cliniques favorisant la rémission des épisodes dépressifs : sexe féminin, niveau socio-économique élévé, absence de troubles obsessionnel-compulsifs ou de troubles post traumatiques.
Dans l'étude STAR-D, la présence de troubles anxieux ou d'irritabilité étaient des facteurs de résistance. Pour Perlis, l'hypothèse d'un lien entre dépressions résistantes et d'éventuels troubles bipolaires non diagnostiqués ne repose pas sur des études probantes.
Peut-on s'appuyer sur des marqueurs biologiques de résistance aux traitements antidépresseurs?
Certaines études préliminaires ont suggéré que certaines techniques électroencéphalographiques quantitatives étaient prédictives de résistance, mais ne peuvent malheureusement pas être utilisées en pratique clinique quotidienne.
Le développement de la pharmacogénétique, en particulier la meilleure connaissance des différences interindividuelles au niveau des cytochromes P450, pourrait aider à mieux caractériser les sujets métaboliseurs lents. Ceux-ci sont repérables cliniquement par leur intolérance à des traitements multiples, notamment à faibles doses. Malheureusement, les tests évaluant les variants des cytochromes P450 sont très coûteux et en pratique, les dosages sanguins sont plus faciles à réaliser.
Au niveau pharmacodynamique, certaines études préliminaires ont suggéré des liens entre certains variants des gènes des récepteurs sérotoninergiques HTR2A et la résistance au citalopram ainsi qu'entre certains variants des gènes TREK1 et la résistance à la duloxétine. Ces études préliminaires n'ont cependant pas été répliquées, la résistance étant vraisemblablement liée à l'influence simultanée de nombreux gènes.
Stratégies thérapeutiques
Trivedi (Texas University) a souligné le faible nombre d'études randomisées contrôlées menées spécifiquement chez les sujets dépressifs ayant résisté à plusieurs traitements antidépresseurs. L'étude STAR- D a montré l'intérêt d'utiliser des doses élevées d'antidépresseurs et d'essayer plusieurs associations de traitements antidépresseurs.
L'adjonction d'autres types de traitements peut être envisagée, en particulier de lithium, d'hormones thyroïdiennes, de bupropion, d'électroconvulsivothétapie ou de TMS.
Plus de 60 études et une méta-analyse ont maintenant montré l'intérêt de l'association de lithium au traitement antidépresseur. La réponse antidépressive s'obtient à des lithiémies comprises entre 0,4 et 0,8 Meq/l, en moyenne après six semaines de traitement, certains patients pouvant être améliorés après seulement 48 heures.
Dix études ont montré l'efficacité dans les dépressions résistantes de l'adjonction aux antidépresseurs d'hormones thyroïdiennes, en particulier de T3 à des doses comprises entre 25 et 50 µg par jour, mais les résultats restent discutés.
L'adjonction de buspirone, à des doses comprises entre 10 et 40 mg par jour, est plus controversée.
Certaines études préliminaires récentes ont également suggéré l'intérêt de l'adjonction d'acide folique ou de modafinil.
Antipsychotiques atypiques et dépressions résistantes
Papakostas (Harvard University) a souligné l'intérêt de l'adjonction d'antipsychotiques atypiques dans la dépression résistante. En effet, d'après dix études randomisées contrôlées, regroupant environ 1 500 patients souffrant de dépression résistante, 47% des patients traités par antidépresseurs associés à un antipsychotique atypique ont été en rémission contre 22% chez les patients traités par antidépresseurs associés à un placebo. Ces résultats expliquent l'autorisation récente de la FDA pour utiliser certains antipsychotiques atypiques dans les dépressions résistantes.
Cependant, deux questions restent en suspend: quid de l'efficacité de l'association à long terme qui n'a pas été évaluée pour l'instant et quand utiliser cette association, après utilisation de deux antidépresseurs ou plus?
Le bon usage des médicaments antidépresseurs
Trois à six millions de Français sont dépressifs. La moitié des patients récidivent dans les deux ans qui suivent un premier épisode. L'épisode dépressif se caractérise par une rupture avec le fonctionnement antérieur. L'interrogatoire doit rechercher l'ensemble des symptômes décrits dans le DSM IV: humeur dépressive, diminution de l'intérêt et du plaisir pour les activités du quotidien, manque d'énergie, variation significative du poids en rapport avec des modifications de l'appétit, troubles du sommeil récurrents, ralentissement psychomoteur, asthénie, sentiments de dévalorisation ou de culpabilité, diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer, pensées de mort récurrentes. Le diagnostic est confirmé en présence d'au moins 5 des critères précédents, durant au moins deux semaines, à distance d'au moins deux mois d'un contexte de deuil. L'altération globale doit être suffisamment notable (perturbation des activités habituelles) pour qualifier l'épisode dépressif de modéré ou sévère et motiver un traitement pharmacologique.
L'écoute et le suivi rapproché des symptômes nécessitent des consultations régulières dans les premiers temps du diagnostic et du traitement. Il n'y a pas lieu de prescrire systématiquement des benzodiazépines.
L'objectif du traitement d'attaque est la rémission des symptômes et la disparition de leurs répercussions sur la vie du patient. Il est suivi par une phase de consolidation de plusieurs semaines à plusieurs mois, destiné à prévenir la rechute.
 Le choix est évidemment fait dans le respect des contre-indications et de la tolérance attendue de chaque molécule. En première intention, on préconise les ISRS, les IRSN ou les antidépresseurs «autres», qui possèdent un rapport bénéfice-risque et une maniabilité supérieurs. Les imipraminiques et les IMAO sont envisagés en deuxième intention. Dans les symptômes dépressifs du syndrome bipolaire, les antidépresseurs doivent être évités, ou du moins ne jamais être prescrits en monothérapie (sans thymorégulation), par risque de virage maniaque.
Les propriétés collatérales de certains médicaments peuvent être utilisées pour s'adapter au tableau symptomatique: les antidépresseurs à propriétés sédatives (amitriptyline, miansérine, mirtazapine) peuvent être préconisés lorsque l'anxiété ou les troubles du sommeil dominent le tableau clinique. A l'inverse, certains antidépresseurs (fluoxétine, imipramine) possèdent des propriétés stimulantes intéressantes pour les patients très ralentis.
L'INITIATION DU TRAITEMENT
 Le principe du traitement doit être parfaitement expliqué au patient: objectifs, modalités, tolérance, observance... Tous ces aspects doivent être évoqués afin d'optimiser l'adhésion et le bon usage de l'antidépresseur. Le traitement est initié de façon progressive jusqu'à atteindre la posologie cible. La première évaluation de l'efficacité du traitement sur les symptômes dépressifs nécessite un délai de 3 à 6 semaines, durant lequel les effets secondaires pourront en revanche, apparaître. L'instauration thérapeutique doit donc être accompagnée d'un suivi rapproché, au minimum hebdomadaire jusqu'à la première évaluation.
Chez les patients âgés, ces molécules doivent être utilisées avec précaution; des posologies réduites sont généralement préconisées .
 
 
- Le patient doit être rassuré sur la maladie et les médicaments antidépresseurs, qui souffrent d'une mauvaise image et véhiculent des idées reçues
- Le principe et les modalités du traitement doivent être bien compris.
- Le rapport bénéfice-risque des antidépresseurs a été récemment remis en cause dans une méta-analyse, largement médiatisée. Il faut rappeler que les autorités de santé, comme cette étude, confirment cependant l'efficacité du traitement dans les épisodes dépressifs d'intensité modérée à sévère.
- Des effets indésirables apparaissent généralement avant le soulagement des symptômes. Il faut sans délai les évoquer en consultation, mais en aucun cas arrêter le traitement de son propre chef.
- Pour favoriser son succès, l'arrêt doit être discuté avec le patient afin qu'il s'inscrive dans un contexte favorable, sur le plan personnel et social. Il doit ensuite être doublé d'un suivi rapproché, afin de prévenir la réapparition des symptômes ou l'apparition d'un syndrome de sevrage par une réduction posologique trop rapide.
LA PHASE D'ATTAQUE
- Elle s'étale de l'initiation thérapeutique à la disparition des symptômes (6 à 12 semaines) et son succès dépend de plusieurs paramètres.
 
- L'efficacité est évaluée après 3 à 6 semaines. Si les symptômes sont insuffisamment soulagés, le diagnostic et l'observance sont réévalués, les éventuelles interactions médicamenteuses recherchées. En cas d'efficacité effectivement insuffisante, l'augmentation posologique ou le changement de classe thérapeutique sont envisagés, selon le cas. Ces alternatives justifient une nouvelle évaluation dans un délai de 3 semaines. A cette étape, le dosage plasmatique peut être utile pour les traitements par imipraminiques: il permet d'ajuster la posologie tout en s'assurant de l'observance effective.
L'intérêt d'une psychothérapie cognitivo-comportementale associée peut être discutée. Les associations d'antidépresseurs ne sont pas préconisées en première intention. Enfin, les dépressions récurrentes peuvent s'avérer résistantes à une ou plusieurs classes pharmacologiques: il est préférable d'orienter ces patients vers une consultation spécialisée.
 
- La tolérance: elle conditionne en grande partie l'observance sur le long terme. En cas d'effets indésirables, l'adaptation posologique ou le changement de classe thérapeutique doivent être discutés.
 
LA PHASE DE CONSOLIDATION
- Elle permet de consolider le bénéfice clinique du traitement en réduisant les risques de rechutes de l'épisode en cours. Elle dure classiquement 16 à 24 semaines, soit, le plus souvent, un traitement total de 6 mois minimum. Même si elle est essentielle, elle constitue l'une des phases les plus délicates: le patient soulagé, et sujet d'un suivi plus espacé, peut être tenté d'arrêter son traitement. Il doit être conscient de l'objectif de cette phase thérapeutique: consolider les bénéfices du traitement, avec un risque de rechute supérieur à 50% en cas d'arrêt immédiatement après la rémission. La fréquence du suivi peut être adaptée selon ses besoins, ainsi que selon le traitement, son efficacité et sa tolérance. Par ailleurs, les symptômes résiduels, qui constituent des facteurs de risques de rechute, doivent être pris en compte pour adapter les modalités du suivi.
 
- Il est aujourd'hui de plus en plus évident que la dépression possède une toxiciténeurologique: la récurrence d'épisodes dépressifs majore l'altération cognitive, notamment mnésique, et augmente la probabilité de résistance au traitement. En conséquence, les patients ayant présenté au moins deux épisodes dépressifs antérieurs dans les 4 dernières années ou trois épisodes dans leur vie doivent être traités de façon intensive et prolongée: le traitement est supérieur à un an, souvent compris entre 2 et 5 ans.
Le traitement ayant permis d'obtenir la rémission doit être poursuivi à la posologie ayant permis cette rémission. Les traitements thymorégulateurs, notamment le lithium, peuvent également être bénéfiques. Outre le suivi au long cours, ces patients devront bénéficier d'un suivi rapproché lors de la phase d'arrêt, qui est souvent associée à une anxiété spécifique.
L'ARRET DU TRAITEMENT
- Il doit être progressif. Il est d'autant plus facile à conduire que le traitement considéré possède une demi-vie longue. En règle générale, on préconise une réduction de la posologie de 25% par semaine. Pour les traitements conduits sur plus d'une année, l'arrêt, doit être plus progressif, avec par exemple une réduction de posologie de 25% tous les mois.
La déprime photosensible
La préparation fébrile du DSM-V continue à susciter des publications proposant l'intégration prochaine de telle ou telle nouvelle entité dans la nosographie. La livraison estivale de l'American Journal of Psychiatry ne déroge pas à cette règle, en proposant d'inclure dans ce futur DSM-V un « trouble affectif saisonnier » (seasonal affective disorder), caractérisé par des épisodes dépressifs marqués par une très forte « saisonnalité » (pour appliquer à l'épidémiologie ce terme venu du marketing).
Vu le caractère récurrent de leurs phases dépressives, les malades (surtout des femmes) peuvent a priori être assimilés à des sujets bipolaires, mais un critère précis distingue pourtant cette affection des autres formes de dépression cyclique : sa corrélation avec les saisons et l'ensoleillement, les troubles étant récurrents en automne et en hiver, avec une nette rémission au printemps et en été. Cette dépression semble ainsi particulièrement affectée par la lumière : on observe une exacerbation des symptômes en l'absence de luminosité correcte, et une diminution quand l'éclairage ambiant se trouve renforcé.
Cette photo-dépendance a été confirmée par une étude de Rosen (1990) sur la prévalence de la maladie en fonction des latitudes : elle se révèle d'autant plus importante qu'on s'éloigne de l'équateur. Selon l'auteur, ce nouveau diagnostic ne fait pas double emploi avec ceux (plus classiques) de dépression et de cyclothymie. Au contraire, les deux pathologies pourraient se superposer, quand un même patient serait affecté « à la fois par cette pathologie saisonnière et par une maladie bipolaire ou un état dépressif majeur ». Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, cette dysthymie photosensible ne serait pas plus bénigne que les autres formes de dépression, puisqu'une étude de Pendse et col. (en 2004) a montré que « des malades ambulatoires atteints par cette affection présentent des troubles plus sévères que des malades hospitalisés après une tentative de suicide lors d'un état dépressif » (classique) ! Qui a dit : « Hélas ! Les assurances sociales ne remboursent pas les vacances sous les tropiques » ?
Rosenthal NE : Issues for DSM-V: seasonal affective disorder and seasonality. Am J Psychiatry 2009; 166-8: 852-853
La stimulation magnétique au secours des dépressions rebelles
Le gouvernement américain vient de donner son accord à la mise sur le marché d'un stimulateur cérébral non invasif dans le traitement de la dépression. Recommandé en cas d'échec du traitement pharmacologique, cet appareil délivre des pulsions magnétiques à travers la boîte crânienne.
Le système "NeuroStar" avalisé par la Food and Drug Administration consiste en une stimulation magnétique transcrânienne (): des décharges électriques de faible amplitude qui, à leur tour, provoquent l'allumage des cellules cérébrales.
"Nous ouvrons une ère de la médecine totalement nouvelle", a résumé le Dr Mark George, de l'Université médicale de Caroline du Sud, Charleston.
Cette approche a été approuvée exclusivement pour des patients n'obtenant aucun soulagement de leur premier traitement par antidépresseurs. Elle n'entraîne pas les mêmes risques que les électrodes implantés, ou les électrochocs.
Alors que le besoin d'approches innovantes est grand - au moins un patient dépressif sur cinq est résistant au traitement- la question est de savoir quel bénéfice peut offrir l'appareil magnétique. Pour celà, les Instituts nationaux de santé américains mènent de leur côté une étude sur 260 patients, dont on attend les résultats préliminaires dès l'an prochain.
Quantifier le bénéfice est important, étant donné le prix de cette technique (de 6.000 à 10.000 dollars, selon le nombre de traitements dont le patient a besoin), a observé le Dr Philip Janicak, du Centre médical de l'Université Rush de Chicago, qui a participé à l'étude.
Les neuroscientifiques utilisent le depuis des années dans leurs recherches sur le cerveau. Placez un aimant très puissant au-dessus d'une zone spécifique du cerveau, celle qui contrôle la motricité, par exemple, et votre bras peut soudainement et involontairement se mettre à frapper. Au-delà de cet effet spectaculaire, on sait que les impulsions magnétiques déclenchent l'activité cérébrale.
La question était de savoir comment exploiter cette activité de façon à améliorer une dépression. est étudié dans le rétablissement après un accident vasculaire cérébral, et dans d'autres désordres cérébraux.
"Personne ne pensait que ça pourrait marcher. C'était une idée folle. Je devais le faire à 6h du matin, avant que les vrais scientifiques arrivent", se souvient le docteur George en riant.
Mais, "le cerveau est un organe électrique", ajoute-t-il pour en expliquer la logique. "L'électricité est le carburant du cerveau".
Pour traiter une dépression, les psychiatres pointent l'aimant sur la partie gauche de la tête, à hauteur du cortex préfrontal. Comme chaque cerveau est différent, ils visent d'abord le haut de la tête pour trouver la région qui contrôle la motricité d'un patient, avant de se déplacer prudemment de 5cm. Puis, le NeuroStar envoie environ 3.000 pulsations par minute pendant 40 minutes, un traitement effectué à raison de cinq fois par semaine environ, sur six semaines.
La théorie est que la stimulation des cellules cérébrales du cortex préfrontal provoque une réaction en chaîne provoquant à son tour la stimulation très profonde des régions du cerveau impliquées dans l'humeur.
Le procédé s'est montré sans danger: les patients de l'étude NeuroStar n'ont souffert ni d'attaque cérébrale, ni de problèmes de mémoire, comme peuvent provoquer un électrochoc, ni d'autre réaction corporelle, se plaignant uniquement de migraines.
La FDA a autorisé l'appareil après avoir ciblé une petite partie des patients initialement enrôlés: 164 personnes pour qui le traitement par antidépresseurs a échoué, mais pas ceux qui étaient le plus résistants au traitement.
Environ 24% des personnes ayant bénéficié du avaient un meilleur score selon l'échelle de dépression après six semaines, comparé aux 12% traités par placebo. Et pour quelques uns, l'amélioration a été spectaculaire: traité sans succès pour une dépression récurrente depuis l'adolescence, Steve Newman, 60 ans, en était arrivé à envisager des électrochocs.
Après deux semaines de traitement, Newman se demandait encore s'il avait reçu le placebo quand, tout à coup, son état s'est amélioré considérablement. Une amélioration vérifiable sur les échelles. "J'étais éveillé. J'étais là présent", raconte-t-il. Newman continue à recevoir une "dose d'entretien", environ une fois par mois. AP
The Associated Press

Le rôle dépression maternelle  dans les troubles du sommeil du nourrisson
 
 
Les pleurs nocturnes du nourrisson sont une cause fréquente de consultation. Environ 60 % des parents se plaignent d'être réveillés durant la première année et d'avoir à calmer l'enfant ; cette proportion est de 55 % pour les enfants de 4 à 12 mois. Certains auteurs ont montré que les troubles du sommeil (TS) sont souvent associés à des problèmes psychologiques maternels, en particulier une dépression. Dans les centres spécialisés, on fait état d'un pourcentage de 50 %. Traiter les TS pourrait donc avoir un effet sur la dépression maternelle et à l'inverse la prise en charge de la dépression pourrait améliorer le sommeil des bébés.
Des auteurs australiens d'un centre spécialisé ont cherché à savoir si une dépression maternelle légère ou modérée influençait l'efficacité d'un traitement comportemental des TS. Pendant 1 an, ils ont étudié 90 couples mère-enfant, les nourrissons étant âgés de 5 à 12 mois. Ils ont été hospitalisés en moyenne 5 jours. En cas de pleurs, les parents devaient attendre quelques minutes, 7 au maximum, puis calmer l'enfant ; cette séquence était répétée pendant au plus 45 mn. L'efficacité de cette stratégie a été démontrée sur l'établissement des rythmes de sommeil.
Parallèlement, les mères ont rempli un questionnaire permettant de coter leurs troubles sur une échelle de dépression. Au dessus d'un seuil et/ou en fonction de l'évaluation clinique, les mères étaient invitées à une consultation psychologique. Au total, 39 mères sur 90 ont été jugées dépressives et 51 non dépressives. Les premières ont toutes vues le psychologue et 4 un psychiatre ; 25 des 51 autres ont eu une consultation par un psychologue et aucune le psychiatre. Les dépressives avaient en moyenne une famille plus nombreuse, moins d'aide et plus de conflit avec leur partenaire. Les infirmières ont fourni les informations et montré le comportement à adopter pour l'enfant. Pendant le séjour, elles ont noté, pendant 24h, toutes les 30 minutes les pleurs, l'agitation, les gémissements et l'alimentation.
Les nourrissons étaient pour 61 % des garçons, 63 % des premiers nés, 7 % avaient des difficultés d'alimentation, 36 % étaient au sein. Les échelles de sommeil et de comportement ont été comparés au premier, 3ème et dernier jour de l'hospitalisation. Aucune différence n'a été trouvée entre les enfants de mères dépressives ou non concernant la sévérité des troubles initiaux du sommeil ou la réponse au traitement comportemental. Les 2 groupes ont eu une amélioration significative sur les 5 jours dans le nombre de réveils nocturnes, le temps d'endormissement, le temps de pleurs nocturnes et le temps de sommeil.
En conclusion, une dépression maternelle modérée ne parait pas affecter le sommeil des nourrissons. Débat ouvert...
Treating infant sleep disturbance: does maternal mood impact upon effectiveness ? J Paediatr Child Health 2010; 46: 29-34

Démembrer le trouble dépressif majeur

Dû à une collaboration germano-helvétique, une étude longitudinale sur plus de 2 200 personnes propose de démembrer le trouble dépressif majeur (TDM, pour major depressive disorder, MDD). Remontant au DSM-III (1980), cette dénomination diagnostique concerne actuellement plus de 16 % des troubles de l'humeur, avec une association élevée (co-morbidité) à l'anxiété et aux addictions à divers produits ( substance use disorders). Mais on estime que le diagnostic de TDM serait « largement surestimé», d'autant plus que la fréquence globale des troubles bipolaires s'avère « beaucoup plus basse» (2 %).
Les données suggèrent que le TDM constitue en fait un domaine hétérogène comportant un groupe important de troubles bipolaires « infraliminaires» ( subthreshold, sous le seuil des TDM). Groupe cliniquement significatif, et partageant des points communs avec les troubles cyclothymiques avérés. Les analyses prospectives ont montré que ces troubles bipolaires infraliminaires peuvent d'ailleurs évoluer vers un TDM, au sens du DSM-IV, avec identification des symptômes par autrui.
Comparativement aux situations de vrai TDM, ces troubles bipolaires plus frustes présentent certaines particularités : dépendances au tabac et à l'alcool « nettement plus marquées», fréquence de troubles paniques « deux fois plus grande», tendance à « une criminalité accrue» et antécédents familiaux d'épisodes maniaques « significativement plus élevés». Chez ces patients à troubles bipolaires infraliminaires, en fonction de la sévérité de la composante maniaque, certains troubles apparaissent donc plus fréquents (notamment l'addiction à l'alcool), alors que d'autres dispositions (comme l'évitement du danger) se trouvent au contraire amoindries.
Pour les auteurs, tous ces constats plaident en faveur d'une conception élargie et d'une meilleure évaluation ( a more comprehensive screening) de la maladie bipolaire. Cette avancée nosographique pourrait se révéler « importante pour la recherche future», et susceptible de stimuler les progrès thérapeutiques dans cette affection commune.
Zimmermann P et coll. : Heterogeneity of DSM-IV major depressive disorder as a consequence of subthreshold bipolarity. Arch Gen Psychiatry 2009 ; 66 (12) : 1341-1352.

 Effets du traitement antidépresseur sur les structures cérébrales visualisées par l'IRM

Au cours de la dépression majeure (DEM), les effets du traitement antidépresseur sur l'ensemble des structures cérébrales visualisées par l'IRM sont très mal connus, exception faite des structures limbiques. Une étude transversale du type cas-témoins a inclus 35 patients atteints d'une DEM et 40 témoins appariés par l'âge et le sexe. Un traitement antidépresseur d'une durée >= 6 mois n'avait été administré que chez 18 patients, alors que les 17 autres n'avaient reçu aucun médicament pendant >= 12 mois. Une IRM encéphalique (1,5 Tesla) a été systématiquement réalisée. Les volumes intracrâniens tout comme ceux de la substance blanche ou grise et du liquide céphalo-rachidien (LCR) se sont avérés similaires dans les groupes précédemment définis, à une exception près. En effet, chez les patients bénéficiant d'un traitement antidépresseur prolongé, le volume de la substance blanche et le volume cérébral total se sont avérés plus élevés (respectivement p = 0,048 ; p < 0,01 versus témoins). Le volume du LCR, pour sa part, s'est avéré plus faible (p = 0,009 vs témoins).
Yushan Huang Y et coll. : A Magnetic Resonance Imaging study of the effects of antidepressant treatment on brain structure in major depressive disorder. 65th Annual Meeting of Society of Biological Psychiatry (Nouvelle-Orléans) : 20-22 mai 2010.

La dépression implique aussi l'amygdale

Avec l'essor croissant de la neurobiologie, les chercheurs s'efforcent d'éclaircir les processus physiopathologiques des affections psychiatriques. Si les troubles dépressifs sont rattachés généralement à un dysfonctionnement des voies sérotoninergiques et à une exposition chronique au stress (comme l'indiquent en particulier les modèles animaux de la dépression où l'on soumet des rongeurs à des épreuves stressantes), d'autres mécanismes peuvent aussi être impliqués. Mais ils resteraient encore méconnus, malgré la disponibilité de traitements antidépresseurs depuis plusieurs décennies.
Fruit d'une collaboration transatlantique (universités de Tours, en France, et de Pittsburgh, aux États-Unis), une étude souligne le rôle de l'amygdale dans la problématique dépressive.
Selon les auteurs, le cortex cingulaire antérieur et l'amygdale se révèlent « des composants critiques d'un circuit corticolimbique de régulation de l'humeur». Lequel serait affecté en cas d'état dépressif sévère, aboutissant notamment à une altération qualitative et quantitative des oligodendrocytes.
Ces anomalies semblent plus marquées dans l'amygdale, et elles n'ont pas été remarquées dans le cortex cingulaire antérieur ni dans le cortex frontal.
Si cette observation d'une « signature moléculaire de la dépression dans l'amygdale» relève encore aujourd'hui de la recherche d'avant-garde, on peut logiquement espérer qu'elle contribue à préciser le mode d'action des antidépresseurs et débouche donc, tôt ou tard, sur de nouvelles perspectives pharmacologiques.
Sibille E et col. : A molecular signature of depression in the amygdala. Am J Psychiatry 2009 ; 166-9 : 1011-1024.

La dépression conduit à la méconnaissance des émotions ou est-ce l'inverse ?

S'il est vrai, comme le disait Confucius, qu'« une image vaut mille mots», on peut alors tirer un aussi bon parti de l'observation d'une image par le malade que de l'écoute de son discours. Illustration dans une étude néo-zélandaise où le processus de reconnaissance faciale des émotions a été exploré chez 68 patients hospitalisés pour une « dépression sévère» et chez 50 sujets-témoins. Cette investigation s'appuie sur des tests dédiés où 16 images représentant les expressions d'émotions variées (colère, joie, tristesse, peur, dégoût) sont présentées tour à tour pendant 500 millisecondes sur un écran d'ordinateur, suivies immédiatement par un écran blanc.Comparativement au groupe contrôle, les personnes dépressives ont montré une tendance plus marquée à prêter une connotation de tristesse aux images de visages ayant pourtant une expression neutre et, inversement, moins marquée à reconnaître l'expression de la gaieté. Dans ce groupe des sujets déprimés, on observe également un déficit spécifique dans la reconnaissance des expressions faciales de dégoût. Les auteurs estiment que ce déficit est peut-être révélateur d'un « dysfonctionnement des structures fronto-striatales, en particulier les ganglions de la base» (dénomination anglo-saxonne des noyaux gris centraux).Toutefois, cette étude ne permet pas de trancher, quant au déroulement temporel de ces phénomènes : cette altération de la discrimination des émotions et ce dysfonctionnement éventuel des noyaux gris centraux sont-ils antérieurs à la dépression et contribuent-ils à son déclenchement, ou doivent-ils au contraire être considérés comme des conséquences de l'état dépressif ? Les auteurs reconnaissent aussi qu'ils ne peuvent pas distinguer formellement le rôle revenant à la dépression elle-même ou à d'autres facteurs associés : stress de l'hospitalisation, pathologies intercurrentes : anxiété, mésusage médicamenteux, tabagisme, abus d'alcool, etc.Douglas KM et Porter RJ : Recognition of disgusted facial expressions in severe depression. Br J Psychiatry 2010; 197: 156-157.

Lien entre dépression et mortalité chez les cancéreux

Une étude récente publiée dans la revue de la Société américaine du cancer suggère que les personnes dépressives atteintes du cancer ont plus de risques de mourir que ceux affichant une bonne santé mentale. Des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique ont réalisé une méta-analyse, prenant en compte 26 études sur les effets de la dépression sur la progression du cancer et les taux de survie de 9 417 patients. Résultats : le taux de décès des cancéreux présentant des symptômes dépressifs est en moyenne de 25 % supérieur à celui des autres malades et peut même augmenter de 39 % quand le diagnostic de dépression est posé, qu'elle soit majeure ou mineure.Cette étude confirme d'autres travaux de recherche sur la relation entre la dépression et la mortalité, dans le cadre du cancer comme dans celui des pathologies cardiovasculaires. Les chercheurs ne peuvent toutefois pas trancher la question de savoir « si les patients deviennent dépressifs parce qu'ils ont le cancer, ou si le cancer cause plus souvent la mort lorsqu'il y a dépression ». Quoi qu'il en soit, ils estiment que des traitements psycho-sociaux doivent intervenir dans la prise en charge du cancer. Le domaine de la psycho-oncologie a connu récemment une poussée exponentielle qui s'explique en partie par le fait que « 85 % des patients atteints du cancer et 71,4 % des oncologistes croient que les variables psychologiques affectent le cancer.

Baisse de réserve coronaire en cas de troubles dépressifs majeurs
Les troubles dépressifs majeurs (TDM) sont volontiers associés à la maladie coronaire de manière totalement inexpliquée. Certes, les hypothèses ne manquent pas, mais aucune n'a été validée en recherche clinique. Les TDM pourraient agir par l'intermédiaire de la microcirculation coronaire. Des facteurs génétiques pourraient en outre interférer avec ceux qui conditionnent la survenue d'une maladie coronaire.
C'est du moins ce que suggèrent les résultats d'une étude de type cas-témoins, quelque peu sophistiquée, dans laquelle ont été inclus 289 sujets de sexe masculin dont 106 jumeaux (53 «paires») atteints ou non de TDM anciens et 183 jumeaux témoins sans passé neuropsychiatrique. La réserve coronaire (RC) a été quantifiée par tomographie à émission de positons (TEP), le radiotraceur étant en l'occurrence l'ammoniaque marqué par l'azote 13 (13N) injecté à deux reprises, d'une part à l'état basal, d'autre part après vasodilatation pharmacologique au moyen de l'adénosine. Le rapport entre le débit sanguin coronaire (en ml/mn/g de tissu myocardique au repos et après stimulation a ainsi permis de calculer la RC en question, cependant que l'ischémie myocardique était «quantifiée» à partir d'un score de perfusion utilisé en routine.
Aucune différence significative n'a été globalement mise en évidence entre les cas et les témoins. Cependant, chez les jumeaux dizygotes atteints de TDM, la RC s'est avérée un peu plus basse, de - 14 % (p=0,03 versus les jumeaux indemnes de TDM). Cette différence n'a pas été retrouvée chez les sujets monozygotes (p=0,19). L'interaction entre TDM/mono- et dizygotes après ajustement statistique s'est avérée significative (p=0,006). Il existerait des voies génétiques communes aux TDM et au dysfonctionnement de la microcirculation myocardique.Il en serait de même pour les processus physiopathologiques qui sous-tendent ces troubles psychiatriques et l'athérosclérose précoce. Ces hypothèses restent à confirmer sur une plus grande échelle, mais elles n'en sont pas moins fort séduisantes.
Vaccarino V et coll. : Major Depression and Coronary Flow Reserve Detected by Positron Emission Tomography. Arch Intern Med 2009; 169: 1668-1676.

Après un traumatisme crânien, la moitié des patients présentent une dépression majeure
20/05/2010
Environ la moitié des patients hospitalisés après un traumatisme crânien souffrent d’une dépression majeure dans la première année suivant l'accident. Le plus souvent, cette dépression n’est pas prise en charge.
 Une équipe américaine (Centre médical Harborview de Seatte) a suivi une cohorte de 559 traumatisés crâniens hospitalisés entre juin 2001 et mars 2005, pendant une période d’un an après l'accident. Résultats, publiés dans le JAMA (Journal of the American Medical Association) du 19 mai : dans cette population, 297 patients (53%) ont présenté une dépression majeure durant cette période. Par comparaison, le taux de dépression majeure dans la population générale est huit fois plus faible.Les facteurs associés au risque de dépression chez les traumatisés crâniens étaient : la présence d'antécédents de dépression, l'âge du patient et la dépendance à l'alcool. Par ailleurs, dans cette population de traumatisés crâniens, les patients dépressifs avaient un risque accru de 60% d'avoir des troubles anxieux associés, par rapport aux patients non dépressifs.Surtout, seuls 44% des patients atteints de dépression majeure bénéficiaient d'une prise en charge spécifique : antidépresseurs ou soutien psychologique. « La prévalence de la dépression majeure après un traumatisme crânien est très élevée et associée à une hausse de la comorbidité et du handicap », commentent les auteurs. Selon eux, « de gros efforts doivent être réalisés pour sensibiliser les médecins sur l'importance de la dépression dans cette population de patients, pour promouvoir des systèmes de dépistage intégrés et une prise en charge multidisciplinaire »
Impact-Médecine,  Florence ROSIER

Intérêt et limite des thérapies cognitivo-comportementales contre la dépression
The British Journal of Psychiatryconsacre un article à une méta-analyse visant à évaluer l'efficacité des thérapies cognitivo-comportementalistes (TCC) chez des patients déprimés souffrant simultanément de diverses affections somatiques : cancer, Sida, polyarthrite rhumatoïde, maladie vasculaire, diabète, etc.Examinant au départ plus de 4000 références issues des grandes bases de données (comme PubMed et PsycINFO), les auteurs retiennent en définitive vingt-neuf études. Si ces TCC « réduisent de façon significative» les symptômes dépressifs chez les personnes atteintes parallèlement d'une pathologie organique (avec une efficacité proportionnelle à l'intensité des troubles), elles montrent toutefois une moindre efficacité dans les indications de dépression avérée comme dans le cadre d'une maladie bipolaire (où elles ne se montrent alors « pas supérieures aux autres types de psychothérapies») que dans les cas de SMD ( Serious Mood Disorder ou Serious Mood Dysregulation).L'une des interrogations actuelles porte sur l'appartenance éventuelle de cette nouvelle entité morbide (SMD) au spectre de la maladie bipolaire. Ou, en d'autres termes, sur sa signification nosographique : s'agit-il là d'une variante « atténuée» d'une dépression classique ou d'une affection bien distincte ? Autre constat de cette recherche : chez les patients souffrant à la fois de troubles dépressifs et de troubles somatiques, une thérapie individuelle semble plus efficace (et donc plus adaptée) qu'une thérapie de groupe. Mais de nouvelles recherches sont encore nécessaires, en particulier pour inclure aussi des informations sur le suivi à long terme, et concernant aussi bien la symptomatologie dépressive que l'évolution de la maladie (organique) intercurrente.Beltman MW : Cognitive-behavioural therapy for depression in people with a somatic disease: meta-analysis of randomised controlled trials. Br J Psychiatry, 2010; 196-7 : 11-19.
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