Docteur Andrei RADTCHENKO  - Доктор РАДЧЕНКО АНДРЕЙ АЛЕКСАНДРОВИЧ
Données neurobiologiques contemporaines sur la dépression
 
 
Carlos Zarate, chercheur au NIMH, aux côtés de Husseini Manji, où il est responsable du programme sur les thérapeutiques expérimentales dans le département des troubles de l’humeur et des troubles anxieux, a présenté un panorama complet des recherches avancées menées dans cet institut dans l’exploration de pistes thérapeutiques innovantes en matière de pharmacothérapie des troubles affectifs.
 
 
Comparativement aux pathologies cardiovasculaires, où les progrès sont patents et mesurables, qu’il s’agisse de diminution de la mortalité ou de coûts épargnés pour la société, C. Zarate a souligné que l’impact des recherches sur les troubles mentaux est plus difficile à mettre en évidence : ainsi, on ne peut affirmer aujourd’hui un retentissement nettement positif des traitements, ni en terme de diminution de la prévalence, ni en terme de diminution de la mortalité, pour l’un quelconque des troubles mentaux.  
 
 
Les raisons de la lenteur des progrès sont connues : absence d’outils diagnostiques parfaitement fiables, dépistage tardif des troubles, faible prédictibilité évolutive, étiologie des troubles inconnue, absence de traitements curatifs ou de vaccins, progrès thérapeutiques par essais et erreurs…
 
 
Or le développement de nouvelles thérapeutiques pour les troubles de l’humeur sévères devrait être une priorité, du fait de l’impact considérable de ces maladies en termes de souffrance individuelle et de coût collectif.
 
 
Des études pharmacoépidémiologiques très importantes, comme l’étude STAR*D menée en Amérique du Nord, montrent que, quelles que soient les stratégies thérapeutiques adoptées, les traitements disponibles pour les troubles de l’humeur sont loin d’être optimaux, avec des taux de rémission faibles, des délais d’action longs, l’absence de contrôle du risque suicidaire.
 
 
Pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques, C. Zarate et son équipe misent sur une meilleure compréhension de l’ensemble des mécanismes neurobiologiques impliqués dans les troubles de l’humeur.
 
 
Les troubles thymiques sévères sont associés à des anomalies structurales à type d’atrophies cérébrales, par exemple une diminution d’environ 40 % de la matière grise du cortex préfrontal subgénien, plus marquée encore dans les troubles unipolaires que dans les troubles bipolaires. Mais les phénomènes de neuroplasticité semblent les plus intéressants pour C. Zarate.
 
 
Les anomalies dans la résilience cellulaire et les cascades de signaux de plasticité ont un impact à la fois sur la plasticité synaptique instantanée (ici et maintenant) et sur les processus d’atrophie, de survie ou de croissance neuronale à moyen ou long terme.
 
 
La neuroplasticité intègre divers processus d’importance vitale par lesquels le cerveau perçoit, s’adapte et répond à divers stimuli internes et externes. Par exemple, le stress ou les dépressions sévères récurrentes entraînent une atrophie, une fragilisation, puis une mort neuronale avec inhibition de la neurogenèse, particulièrement au niveau hippocampique.
 
 
Les antidépresseurs et les stabilisateurs de l’humeur régulent ces cascades de signaux cellulaires qui jouent un rôle crucial dans la neuroplasticité et la résilience cellulaire à long terme : ils agissent au niveau des altérations des fonctions dendritiques, du remodelage synaptique, des phénomènes de potentialisation à long terme, de la pousse axonale, de la synaptogenèse et de la neurogenèse.
 
 
Des travaux très récents fournissent des arguments importants en faveur du rôle neurotrophique du lithium au long cours, mais également du valproate ; cela pourrait être lié au fait d’être répondeur ou non-répondeur au traitement de la dépression bipolaire.
 
 
 C. Zarate a également présenté ses travaux sur les propriétés antidépressives du pramipexole, qui est une substance dopaminergique (agoniste D2/D3) aux propriétés neurotrophiques importantes, molécule indiquée jusqu’à présent dans la maladie de Parkinson et le syndrome des jambes sans repos.
 
 
La modulation du système glutamatergique est une piste très prometteuse dans la recherche de médicaments à visée antidépressive (antagonistes NMDA, potentialisateurs des récepteurs AMPA…). À la recherche d’un effet antidépresseur très rapide, C. Zarate a ainsi montré l’intérêt de cibler les récepteurs NMDA et AMPA : il propose par exemple comme stratégie thérapeutique d’engendrer un effet antidépresseur très précoce par la kétamine, non-BDNF dépendant, puis de prendre le relais par le riluzole (modulateur glutamatergique qui stimule le BDNF et a des effets neuroprotecteurs).
 
 
Il montre que les meilleurs facteurs prédictifs de réponse à la kétamine ne sont pas les sous-types cliniques de dépression, mais des facteurs neurobiologiques, soulignant l’importance du champ de recherche dans lequel il est impliqué.
 
Effets du traitement antidépresseur sur les structures cérébrales visualisées par l'IRM
 
Au cours de la dépression majeure (DEM), les effets du traitement antidépresseur sur l'ensemble des structures cérébrales visualisées par l'IRM sont très mal connus, exception faite des structures limbiques. Une étude transversale du type cas-témoins a inclus 35 patients atteints d'une DEM et 40 témoins appariés par l'âge et le sexe. Un traitement antidépresseur d'une durée >= 6 mois n'avait été administré que chez 18 patients, alors que les 17 autres n'avaient reçu aucun médicament pendant >= 12 mois. Une IRM encéphalique (1,5 Tesla) a été systématiquement réalisée. Les volumes intracrâniens tout comme ceux de la substance blanche ou grise et du liquide céphalo-rachidien (LCR) se sont avérés similaires dans les groupes précédemment définis, à une exception près. En effet, chez les patients bénéficiant d'un traitement antidépresseur prolongé, le volume de la substance blanche et le volume cérébral total se sont avérés plus élevés (respectivement p = 0,048 ; p < 0,01 versus témoins). Le volume du LCR, pour sa part, s'est avéré plus faible (p = 0,009 vs témoins).
Yushan Huang Y et coll. : A Magnetic Resonance Imaging study of the effects of antidepressant treatment on brain structure in major depressive disorder. 65th Annual Meeting of Society of Biological Psychiatry (Nouvelle-Orléans) : 20-22 mai 2010.
 
 
Génétique des troubles dépressifs majeurs: liens avec l’imagerie médicale
 
 
Lukas Pezawas, chercheur à la clinique psychiatrique et psychothérapique de l’université de médecine de Vienne, et auteur, entre autres travaux, d’un article retentissant sur la susceptibilité génétique à la dépression dans Nature Neuroscience en 2005, a présenté une approche de la génétique des troubles dépressifs majeurs en lien avec les données de l’imagerie cérébrale.
 
 
Parmi les structures cérébrales qui jouent un rôle essentiel dans les émotions, on retrouve l’amygdale, le cortex orbitofrontal médianet le cortex cingulaire antérieur.
 
 
On sait par exemple que l’amygdale est impliquée dans le conditionnement à la peur, avec des réactions physiologiques détectables avant même la conscience du stimulus anxiogène. Pezawas et al. ont présenté divers travaux montrant, en imagerie, l’implication du cortex orbitofrontal dans les systèmes d’évitement et de récompense ou celle du cortex cingulaire dans les tâches émotionnelles et cognitives.
 
 
Il a également montré les données les plus récentes permettant de faire le lien entre les différentes sous-régions du cortex cingulaire et les fonctions impliquées (phénomènes d’évitement, intégration du système autonome et des émotions, contrôle autonome, orientation, accès mnésiques…), ainsi que la hiérarchie existant dans le fonctionnement du cingulum.
 
 
Mais l’essentiel des travaux de Pezawas et al. portent sur la régulation génétique de ces différentes fonctions neurobiologiques, à travers toute la complexité du fonctionnement génétique : polymorphisme génétique, haplotypes, interactions gènes–gènes (épistasies), interaction gène–environnement, empreinte génétique, épigénétique… En combinant génétique et imagerie, Pezawas et al. parviennent à identifier les zones cérébrales d’expression préférentielle des différents gènes liés aux troubles thymiques, qu’il s’agisse de gènes monoaminergiques ou non monoaminergiques.
 
 
Le gène 5-HTTLPR , codant la région promotrice du transporteur de la sérotonine, est ainsi impliqué dans les interactions entre le cingulum et l’amygdale, et dans la réduction de matière grise cérébrale observée dans la dépression majeure. Les études d’imagerie permettent également d’objectiver l’expression des gènes à un niveau de complexité de plus en plus élevé, comme par exemple dans les interactions entre les gènes du BDNF (impliqués dans la neuroplasticité) et du transporteur de la sérotonine.
 
 
De la neurobiologie à la pharmacologie de la dépression
 
 
David Diamond, professeur à l’université de Floride, a présenté un ensemble de travaux visant, à partir de nombreuses expériences chez l’animal, à éclairer les modes d’actions neurobiologiques des traitements de la dépression.
 
 
Le stress est une composante cruciale de l’étiologie d’un large spectre de troubles mentaux, comme la dépression et l’état de stress post-traumatique. Les études chez l’homme ont montré l’influence de la génétique quant aux liens entre la susceptibilité ou la résilience par rapport au stress et le risque dépressif : les travaux de Caspi et al. sur les interactions gène–environnement entre le polymorphisme du gène du transporteur de la sérotonine et la maltraitance dans l’enfance, même s’ils ont été en partie remis en cause, ont eu une grande importance pour le développement de ce champ de recherche. Ainsi, chez l’animal, l’impact de la maltraitance précoce sur le risque de survenue de comportements de type dépressif est utilisé comme un modèle d’étude fécond.
Au niveau neurobiologique, à côté des monoamines, le rôle du système excitateur glutamatergique est de mieux en mieux reconnu dans les interactions entre stress et dépression. D. Diamond a présenté plusieurs travaux portant sur diverses structures cérébrales impliquées à la fois dans les processus cognitifs et les troubles affectifs, comme le cortex préfrontal, l’hippocampe, l’amygdale.
 
 
 
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